Pierre Aeby est conseiller aux Etats fribourgeois, vice-président du PSS, et un des trois parlementaires aux états à s’être opposé à la LAT.
DP : Les agriculteurs sont soumis à une profonde restructuration qui met à mal leur revenu. Dès lors, n’est-il pas contradictoire de refuser la révision de la LAT qui permettra aux paysans de développer une activité accessoire ?
Pierre Aeby : Non, au contraire. On fait croire aux paysans que cette loi représente leur chance de survie. Les paysans pourraient ainsi compléter leur revenu menacé par la nouvelle politique agricole. Mais, au fond, la LAT va uniquement aider les paysans qui ne veulent plus être des paysans. Cette loi est un miroir aux alouettes : on fait semblant d’aider les paysans, alors qu’en réalité les possibilités offertes par la loi sont en contradiction avec les exigences de la production intégrée. Et sans production intégrée, pas de paiements directs. La LAT menace en réalité le monde paysan et le paysage.
Au vu de l’application laxiste de la LAT qui prévaut dans nombre de cantons, le grignotage de la zone agricole ne va-t-il pas se poursuivre même si la révision de la LAT est rejetée ?
Cette loi est une escroquerie pour deux raisons : d’une part, il est faux de croire que tous les paysans habitent dans des zones agricoles. Beaucoup habitent dans des zones à bâtir, des villages, des bourgs, etc. Ceux-ci ne pourront en aucun cas bénéficier des effets de la loi. D’autre part, un tiers des logements sont déjà créés hors des zones à bâtir, ce qui montre que les pratiques anticipent la loi.
De plus, aujourd’hui, le développement d’activités annexes au sein d’une exploitation, est déjà possible. Il y a des agricultrices qui organisent des repas à la ferme, par exemple. La LAT prévoit que le revenu agricole représente les deux tiers du revenu total. Mais qui va contrôler l’application de la loi ? Personne, et progressivement le paysan va diminuer son activité agricole et augmenter son activité annexe. Ce n’est pas comme ça qu’on protège les paysans ?
Comment le Parlement peut-il à la fois définir une nouvelle politique agricole favorisant le développement durable et réviser la LAT qui permet la culture hors-sol et l’élevage industriel ?
C’est le problème. Cette loi contredit non seulement l’article constitutionnel sur l’agriculture voté par le peuple, mais aussi toute la politique d’aménagement du territoire. Celle-ci privilégie la concentration de l’habitat. Cette loi, par contre, incite à la dispersion. Mais c’est qu’en Suisse on a la phobie de la ruine, on ne supporte pas de voir une grange abandonnée !
Propos recueillis par gs
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