L’initiative «pour un financement équitable des transports», dite «vache à lait», promet plus qu’elle ne peut tenir. Elle repose sur un raisonnement erroné et ne répond à aucun besoin.
Alors qu’aujourd’hui la moitié du produit de la taxe sur les carburants alimente la caisse fédérale,l’initiative veut en affecter la totalité à la circulation routière. L’argent de la route à la route, revendiquent les initiants.
Ce slogan fleure bon la prétention du propriétaire: nous, usagers motorisés, payons la taxe et cette taxe nous revient. En généralisant ce raisonnement qui conduit à l’affectation obligatoire des ressources fiscales, on pourrait se passer de budget, acte politique primordial d’une collectivité qui permet à cette dernière de définir ses priorités. Chaque groupe d’intérêt disposerait des montants qu’il aurait versés au fisc. Bonjour l’intérêt public et la solidarité!
Grâce à cette manne, les promoteurs de l’initiative visent une extension du réseau routier et une meilleure fluidité du trafic. Une vision à très courte vue puisque tout développement du réseau fonctionne comme un aspirateur à trafic qui tôt ou tard annule cette fluidité attendue. Ce nouveau pactole tomberait rapidement dans le budget routier, mais son montant excéderait largement les projets prêts à être réalisés.
Réciproquement, la Confédération se verrait aussitôt privée d’un milliard et demi. Et le Conseil fédéral a déjà annoncé la couleur: pas d’augmentation d’impôt pour combler ce trou, mais des mesures d’économie (moins 5%) là où les dépenses sont faiblement liées par la législation en vigueur. A savoir la formation et la recherche, les transports publics, la défense et l’agriculture.
Pour ces deux derniers domaines, ne nous faisons pas trop de souci: l’actualité récente a montré qu’ils disposent de solides relais parlementaires. C’est donc la formation et les transports publics qui trinqueraient.
L’automobiliste est-il rançonné, comme le prétendent les milieux routiers? En termes réels, le prix de l’essence est inférieur à ce qu’il était il y a 40 ans. La taxe de base (43,12 centimes par litre) n’a pas bougé depuis 1993, la surtaxe (30 cts) depuis 1974.
Parlons donc comptabilité. Selon les dernières données disponibles (2012), le trafic routier privé ne couvre que 89% de ses coûts. Car pour reprendre le langage imagé de Hanspeter Guggenbühl, la vache automobile ne fournit pas seulement du lait, sous la forme de taxes; elle produit également du fumier sous forme d’émissions gazeuses et phoniques, d’accidents, et morcelle le territoire, entre autres.
Alors que transports et mobilité exigent une approche globale et une planification intégrée – complémentarité optimale entre transports publics et privés, aménagement du territoire, trafic dans les agglomérations –, l’initiative empoigne le dossier par le petit bout de la lorgnette routière: beaucoup de moyens pour un programme inexistant si ce n’est faire croître le ruban de bitume.
Avec le projet Forta (Fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération) actuellement traité par le Parlement, la Confédération disposera des moyens nécessaires à l’achèvement et à l’entretien du réseau. Il en coûtera 4 centimes supplémentaires par litre aux usagers motorisés. C’est précisément à quoi s’oppose l’initiative.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!