Le refus d’accorder une aide d’urgence aux requérants déboutés viole la Constitution. Le Tribunal fédéral a tranché tout de même. La future loi sur l’asile empêchera peut-être les NEM (demandeurs d’asile à qui l’on refuse l’entrée en matière) de recevoir des prestations minimales d’existence. Ainsi en a décidé le Conseil des Etats. Qu’un ministre de la Justice critique publiquement le verdict de Mon-Repos n’est pas acceptable. Mais on aurait tort de croire l’arrêt des juges fédéraux inscrit dans le marbre constitutionnel.
D’abord, les Chambres fédérales, voire le peuple en cas de référendum, auront le dernier mot : le Tribunal fédéral applique les lois fédérales sans en examiner la constitutionnalité. La question juridique serait aussi plus délicate à résoudre si une base légale en bonne et due forme restreignait le droit aux conditions minimales d’existence. Les experts s’époumonent déjà dans des avis divergents. Et le droit n’est jamais que le reflet provisoire de l’état des opinions à un moment donné. Un vote du peuple et des cantons peut modifier la Constitution.
Le recours abusif à l’argumentaire juridique peut nuire à la santé du débat politique. Il ne s’agit plus de critiquer un choix qui serait mauvais mais de disqualifier une décision que des experts estiment illégale. On déplace le débat : plutôt que de défendre des valeurs, on se réfugie derrière des arguments techniques, souvent compris des seuls spécialistes. Les syllogismes juridiques remplacent sournoisement les idées de fond. Le tribun politique fait place à l’expert juridique.
L’article 12 de la Constitution garantit à quiconque se trouve dans une situation de détresse le droit de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Il matérialise une idée noble, selon laquelle personne, quelles que soient les circonstances, ne doit être laissé sur le bord de la route sans ce minimum qui fait de lui un homme. Avant d’être un article constitutionnel, c’est une valeur fondamentale. Si l’idée que personne ne doit mourir de faim ne mérite pas un combat, alors laquelle ? Une société mesure sa force au soin qu’elle prend du plus faible de ses membres.
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