Les arrêts du Tribunal fédéral rendus cet été en matière de naturalisation agitent toujours le landernau juridique (DP n°1568). Les sociologues et les politologues s’invitent volontiers à ce débat sur les limites de la démocratie. Le Centre d’études et de documentation sur la démocratie semi-directe de l’Université de Genève organisait vendredi 7 novembre un colloque autour de cet enjeu.
Les professeurs de droit Etienne Grisel et Andreas Auer ont poursuivi leur dispute entamée dans les colonnes du Temps : pour l’un, « le peuple a toujours raison même lorsqu’il a tort» ; pour l’autre, les limites à la vox populi sont inhérentes à l’Etat de droit. Comme l’a remarqué le politologue Andreas Trechsel, «si tout est démocratique, alors plus rien n’est démocratique».
Une démocratie «archaïque» où l’on décide de tout en conseil de village ou une démocratie «libérale» qui privilégie la défense des droits de l’homme : voilà comment Jean-Daniel Delley, autre politologue, pose le débat. Une source d’inspiration inépuisable pour les théoriciens du pouvoir de tout temps, et pas seulement dans l’Helvétie du xxie siècle.
Le sujet passionne. Mais les naturalisations méritent-elles tant d’attention ? A l’heure de l’ouverture des frontières, de l’admission généralisée des doubles nationalités, et de la croissante application du principe de territorialité, le critère national a perdu quasiment toute importance juridique. Toutes les professions s’ouvrent aux ressortissants étrangers, qui bénéficient quasiment des mêmes droits et devoirs que les nationaux. Même la chasse gardée des droits politiques ne dépend plus exclusivement de la couleur du passeport.
Certes, la nationalité n’est pas encore rangée dans l’armoire des souvenirs bucoliques, à l’instar de la commune d’origine qui ne sert souvent plus que de prétexte à une promenade dominicale. Mais, de là à considérer que les décisions de notre Haute Cour soulèvent des questions identitaires fondamentales, comme l’a fait le sociologue Ueli Windisch, il y a un pas que nous nous garderions de franchir. Elever l’acquisition du document à croix blanche au rang de mythe ne constitue pas un modèle politique. Avec l’aide du Tribunal fédéral, la page des Schweizermacher pourrait au contraire se tourner définitivement.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!