
Arrêter nos centrales nucléaires coûtera très cher: 20 milliards de francs selon les derniers calculs. Le montant de la facture étant connu, les centrales doivent cotiser au fonds de démantèlement des centrales et au fonds de gestion des déchets radioactifs pour des montants qui devraient permettre de couvrir les coûts.
Dans un rapport qu’il vient de publier, le Contrôle fédéral des finances constate que ces deux fonds, dotés à hauteur de 1,7 et de 3,6 milliards respectivement, ne suffiront de loin pas à couvrir les frais effectifs qu’il est prévu de mettre à leur charge, estimés à 3 milliards pour les coûts de démantèlement et à 8,4 milliards pour la gestion des déchets. En clair, les entreprises qui gèrent nos centrales auraient dû verser environ le double à ces deux fonds, quitte à réduire les bénéfices distribués aux actionnaires et à augmenter le prix de l’électricité.
De toute manière, les frais de démantèlement et d’évacuation des déchets, qui dépasseraient les montants qu’elle a versés aux fonds, seraient facturés à la société d’exploitation de chaque centrale. Cette perspective pourrait les inciter, les obliger même, à maintenir en service des centrales pourtant en fin de vie, sachant que l’ouverture prochaine des marchés va peser encore davantage sur des prix de l’électricité déjà si bas qu’ils ne couvrent plus les coûts des installations hydroélectriques.
Si le Contrôle fédéral des finances se préoccupe de fonds juridiquement indépendants, c’est en raison des risques que leur gestion fait courir à la Confédération – et aux collectivités actionnaires – en cas de faillite d’un exploitant. En effet nos centrales appartiennent à des sociétés dont les actionnaires sont soit des holdings ou des entreprises électriques, soit directement des cantons et communes, dont la responsabilité se limite au montant de leur participation au capital.
En cas de faillite d’une société, ce sont les autres contributeurs aux fonds qui devraient combler le déficit, sauf si la Confédération en vient à considérer que cette solidarité représenterait une charge économique insupportable et prenne la dette à sa charge (art. 80 al. 4 LENu). C’est un risque que Swisselectric conteste, estimant que la branche, qui regroupe la quasi-totalité des entreprises électrique du pays, est parfaitement à même de supporter de tels coûts non provisionnés, soit plus de 6 milliards de francs.
Mais cette belle assurance ne convainc pas complètement, au vu des perspectives actuelles du marché de l’électricité et des investissements à financer, notamment en matière d’énergies renouvelables et d’adaptation du réseau. Le département fédéral dirigé par Doris Leuthard ne voit pas, lui non plus, de raison d’augmenter les cotisations calculées sur une durée de vie des centrales de 50 ans. En Allemagne aussi, la transition énergétique réserve de dures surprises.
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