Parmi les cantons suisses, Genève fait figure d’ancêtre. En effet, sa constitution date de 1847. Alors que depuis un quart de siècle presque tous les cantons ont réécrit leur texte fondamental, le canton du bout du lac se contente d’une charte qui sent le moisi. Ainsi la Constitution proclame-t-elle que tous les Genevois sont égaux devant la loi et que tout Suisse habitant le canton est tenu au service militaire, deux dispositions qui fleurent bon le xixe siècle. La première est erronée – l’égalité devant la loi est un droit humain – alors que la seconde relève du droit fédéral. Outre des erreurs, la Constitution genevoise contient nombre de banalités et des chapitres entiers – par exemple sur la politique énergétique et de l’environnement, sur la procédure pénale (26 articles !) – qui devraient trouver place dans la loi.
Mais le problème n’est pas qu’esthétique. Les institutions genevoises sont en crise. Les conflits entre les différents pouvoirs – Parlement et gouvernement, gouvernement et justice, canton et communes et plus particulièrement la Ville de Genève – sont quasi permanents. Quant aux tensions politiques, elles paralysent l’action publique et imposent de recourir toujours plus fréquemment au vote populaire. C’est le diagnostic posé par un groupe de citoyens emmené par Andreas Auer, professeur à la Faculté de droit. Réuni en une association, ce groupe lance l’idée d’une révision totale de la Constitution cantonale dans un manifeste ouvert à la signature de toutes les personnes intéressées (www.unenouvelleconstitutionpourgeneve.ch). Un peu pompeusement, cette révision est présentée comme une occasion de «renouveler le contrat social et refonder les institutions». Mais habilement, l’association ne se prononce pas sur le contenu du futur texte. Elle propose simplement un projet de loi constitutionnelle qui prévoit l’élection d’une assemblée constituante. Et si le Grand Conseil rechigne à adopter cette loi, l’association en reprendra le texte sous la forme d’une initiative populaire.
Une nouvelle Constitution suffira-t-elle à guérir Genève de ses maux ? On est en droit d’en douter. Mais ce qui importe, ce ne sont pas tant les institutions et règles nouvelles à créer que le processus qui y conduit. Le manifeste, s’il obtient un large soutien, traduira la lassitude de la population face à la paralysie que provoque la bipolarisation politique et face à la lourdeur d’un Etat qui peine à se réformer. Et l’élection d’une assemblée constituante pourrait favoriser l’émergence de personnalités indépendantes et désireuses de trouver des solutions aux problèmes de la République, des qualités qui font aujourd’hui cruellement défaut au personnel politique en place. Si elle ne contribuait qu’à changer cet état d’esprit et à stimuler le débat, la révision constitutionnelle, quel que soit son contenu, serait déjà un succès. jd
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