Le temps des dictatures touche-t-il à sa fin ? A voir les Mugabe, Karimov, Castro et autre Kim Jong-il toujours en selle, on pourrait en douter. Pourtant au cours des trois dernières décennies, et plus particulièrement depuis la chute du Mur de Berlin en 1989, la liste des despotes s’est considérablement raccourcie.
Peut-on espérer que le genre humain se libère enfin de son attirance fatale pour les personnages qui lui promettent grandeur et protection en échange de sa liberté ? Les hommes et les femmes du xxie siècle comprendront-ils que ce rêve finit toujours dans le sang et les larmes ?
Un meilleur niveau de formation, les technologies de la communication et le réseau d’interdépendances dans lequel les Etats sont imbriqués rendent peu probable la confiscation de l’information par un chef, même charismatique, et l’émergence de régimes fondés sur la terreur. Pourtant le politologue américain Ian Buruma n’exclut pas le retour de dictatures molles. Car, observe-t-il, le besoin d’admirer et de chercher protection auprès d’une figure paternelle, la fascination qu’exerce le spectacle du pouvoir et le désir de se fondre dans un grand sentiment collectif existent toujours.
Dans les démocraties contemporaines, ces besoins trouvent en partie satisfaction dans le culte des vedettes sportives ou de variétés, dans la fréquentation des stades. Le spectacle est fourni à haute dose par l’industrie du divertissement et la presse de boulevard, parfois même par les cérémonies officielles.
Les démocraties sont en danger quand une personne parvient à monopoliser les moyens de satisfaire ces besoins. Pour Buruma, le dictateur du futur contrôlera plusieurs chaînes de télévision et clubs sportifs. Il s’exprimera comme un prédicateur fondamentaliste et mettra en garde contre toutes sortes d’ennemis et de dangers. La situation qui prévaut aujourd’hui en Italie et en Thaïlande, deux pays dirigés par des hommes disposant d’un empire médiatique, préfigure ce que pourraient être ces dictatures molles : mépris de la démocratie et de ses compromis laborieux, déconsidération systématique de l’appareil judiciaire et des formations d’opposition.
La Suisse, qui aime à se considérer comme le berceau de la démocratie, n’est pas à l’abri du danger. Les succès d’une formation politique et de son leader, construits sur l’alimentation constante des peurs et la désignation d’ennemis, résonnent comme un signal d’alerte. jd
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