
La libéralisation totale du marché de l’électricité n’apportera pas d’avantages significatifs pour les ménages. Par contre, elle constitue la condition nécessaire à l’intégration de la Suisse au marché européen.
En 2002, la première tentative de libéralisation a échoué face à l’opposition de la gauche et de la Suisse romande. Cinq ans plus tard, le Parlement adopte une loi sur l’approvisionnement électrique, qui autorise les gros consommateurs (dès 100 MWh) à choisir leur fournisseur. Cette possibilité doit intervenir cinq ans plus tard pour tous les autres consommateurs. C’est, avec retard, ce que devrait permettre l’arrêté fédéral soumis maintenant à la consultation.
De cette libéralisation complète dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2018, le Conseil fédéral attend une concurrence accrue entre les fournisseurs, une baisse des prix et une diversification de l’offre. Si 28% des entreprises grosses consommatrices ont fait usage de cette liberté de choix, l’expérience montre que la libéralisation complète déjà en vigueur dans les pays européens n’a guère incité les ménages à changer de fournisseur.
La raison en est simple. La facture électrique d’un ménage moyen est relativement faible – en Suisse environ 1’000 francs par an. De cette somme, il faut retrancher environ 600 francs de coûts fixes (frais de réseau et taxes). Reste donc 400 francs pour l’électricité proprement dite, ce qui réduit sensiblement le bénéfice attendu d’un marché concurrentiel. Au mieux, le libre choix devrait contribuer à réduire le fossé tarifaire existant entre les régions du pays – de 0,6 à 10,6 centimes –, la Suisse romande et Berne se plaçant en tête du peloton des prix les plus élevés.
Sur le marché de l’électricité, les distorsions de concurrence sont légion. En Grande-Bretagne et en France, l’électricité d’origine nucléaire bénéficie d’un prix garanti. En Allemagne, l’électricité sale produite à partir du charbon est généreusement subventionnée, tout comme l’électricité photovoltaïque chez notre voisin et en Suisse. Sans parler des coûts externes que constitue l’impact sur l’environnement. C’est dire que les prix ne reflètent pas les coûts réels de production. D’où la crainte justifiée de voir apparaître des offres bon marché pour le consommateur, mais coûteuses en termes de réchauffement climatique. Une concurrence que l’on peut qualifier de déloyale par rapport à l’électricité hydraulique.
Si la Suisse veut participer au marché européen de l’électricité, elle doit respecter les règles de ce marché. Impossible de vendre à l’étranger sans accepter la réciproque. Mais cette participation ne peut se réaliser qu’à deux conditions.
L’électricité sale doit être taxée de manière à ce que son prix final couvre ses coûts externes. Sans quoi la stratégie Energie 2050 restera lettre morte.
Par ailleurs, la pérennité des réseaux publics de distribution doit être assurée. Trop d’exemples montrent que la privatisation des réseaux se conjugue souvent avec un entretien insuffisant et un développement lacunaire, d’où résulte en fin de compte une insécurité de l’approvisionnement.
Si ces deux conditions ne sont pas remplies, la deuxième étape de libéralisation a peu de chance de passer le cap référendaire.
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