Dans le bras de fer qui oppose la Poste et le Syndicat de la communication, chaque partie se félicite que l’autre revienne à la raison et soit prête à négocier. Cette façon de tirer la couverture à soi est de bonne guerre et permet à chacune de ne pas perdre la face. Laissons à l’instance de conciliation le soin d’éclairer le sens de la convention collective – la Poste viole-t-elle cette convention en autonomisant certains de ses secteurs d’activité et en soustrayant à ladite convention les employés concernés ?
Le syndicat a violemment pris à partie Ulrich Gygi, le patron de la Poste. Mais s’agit-il de la bonne cible ? Gygi n’a qu’un objectif, la survie de son entreprise. Une tâche difficile car les services réservés, ceux qui font l’objet d’un monopole, sont en panne de croissance – le courrier électronique prend des parts de marché au trafic des lettres. Quant aux services non réservés – les express, les paquets au-dessus de deux kilogrammes, les cars, notamment – ils sont ouverts à la concurrence. La Poste doit impérativement abaisser ses coûts si elle veut s’imposer face aux entreprises privées. C’est la raison qui la pousse à créer des sociétés autonomes pour certaines de ses prestations ; elle espère ainsi disposer d’une plus grande flexibilité en adaptant les conditions de travail aux conditions du marché.
La responsabilité du politique
L’enjeu n’est plus seulement dans les mains des partenaires sociaux, mais relève de la compétence et de la responsabilité du pouvoir politique. La concurrence doit-elle nécessairement conduire à une détérioration des conditions de travail, la Poste s’alignant sur les standards de ses concurrents ?
La loi sur la Poste exige des entreprises concessionnaires qu’elles respectent le droit du travail et les conditions de travail de la branche. Par contre, le Parlement a refusé d’obliger ces entreprises à signer une convention collective. C’est là que réside la lacune : la Poste est soumise à cette obligation, mais pas ses concurrents. Sur ce marché, les acteurs ne disposent pas des mêmes atouts. C’est donc cette lacune qu’il faut combler. Car le pouvoir politique ne peut imposer à la Poste d’être à la fois concurrentielle et de se comporter en employeur social – ce que Moritz Leuenberger a rappelé – tout en laissant les entreprises concessionnaires profiter de la sous-enchère salariale.
Si seule La Poste se comporte de manière socialement correcte, elle est condamnée à terme. Si elle s’aligne sur ses concurrents, elle se trouvera entraînée dans la spirale de la compression des coûts et trahira sa mission sociale.
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