Les autorités politiques peinent à suivre le rythme de développement des connaissances scientifiques. A peine une législation est-elle sous toit qu’une nouvelle découverte met en question une définition légale, quand elle ne rend pas obsolète tout un pan du droit en vigueur.
Néanmoins la recherche scientifique ne peut se dérouler hors d’un cadre normatif. Parce qu’elle touche à des valeurs fondamentales, parce qu’elle requiert des moyens importants de la part de la collectivité, la recherche est aussi affaire politique.
Comment concilier l’autonomie indispensable à l’activité scientifique et la nécessaire réglementation de cette activité, le droit de connaître et l’intérêt public ?
Le dossier des cellules souches embryonnaires illustre cette tension. Et la solution qui lui a été apportée obéit aux deux conditions majeures d’une intervention publique dans la vie scientifique : rapidité de réaction et caractère provisoire.
Le droit en vigueur interdit l’utilisation des embryons surnuméraires à des fins de recherche. Par contre il n’empêche pas l’importation de cellules souches issus d’embryons humains. L’hypocrisie de ce scénario n’est pas délibérée. Elle résulte d’un décalage entre le droit et les connaissances scientifiques. Quand le législateur a décidé cette interdiction, on ne parlait pas encore de cellules souches.
La prompte réaction du Conseil fédéral et du Parlement est donc justifiée. On ne pouvait faire durer cette hypocrisie. Et il n’était pas pensable de bloquer tout un champ de recherche pour plusieurs années sous prétexte que la loi n’était pas prête. Aux partisans d’un moratoire, il faut rétorquer que l’immobilité n’améliore pas la connaissance, au contraire de l’expérimentation. Plutôt que de paralyser l’activité scientifique – mais elle se déplacera ailleurs – il faut lui indiquer clairement les conditions de son exercice.
C’est bien ce que réalise le projet de loi. Tout en levant l’interdiction de prélever des cellules souches embryonnaires, il multiplie les cautèles : interdictions aussi bien de la production d’embryons à des fins de recherche que de la modification du patrimoine génétique et du commerce des embryons et cellules souches. Le consentement du couple concerné est exigé. Tout projet de recherche est soumis à autorisation, autorisation qui ne sera délivrée que si le projet vise à obtenir des connaissances essentielles. Enfin il est exclu de breveter des cellules souches. Le bénéficiaire d’une autorisation doit mettre à disposition d’autres chercheurs son matériel cellulaire et publier ses résultats. On est bien loin d’un blanc-seing accordé aux chercheurs.
On est également très éloigné encore des applications thérapeutiques espérées. Dans la phase actuelle, il s’agit de recherche à caractère fondamental qui doit permettre d’acquérir les connaissances nécessaires à d’éventuelles applications. Si cette recherche aboutit, il faudra alors débattre des conséquences possibles et élaborer de nouvelles règles. C’est dire que le dossier est loin d’être clos. Et l’on reparlera tôt ou tard du clonage thérapeutique et du diagnostic préimplantatoire.
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