
Un folklore sympathique et festif, tous les deux ans en juin, entre Euro et Mondial de football… Ce sont les résultats de quatre pays qui sont pour l’essentiel à l’origine de ce grand barnum: la Suisse bien sûr, mais aussi l’Italie, l’Espagne et le Portugal, les terres traditionnelles d’immigration.
Il y a peut-être des leçons à en tirer sur l’intégration au fil des générations des descendants de ces travailleurs venus dans notre pays.
Tout a commencé en 1982. Cette année-là, l’Italie est championne du monde et les Suisses découvrent éberlués que les Italiens, qui bossent en usine et sur les chantiers, ont des enfants envahissant les rues avec des drapeaux en se livrant à un concert de klaxons au volant de leurs petites Fiat ou, pour les plus aisés, de leurs Alfa Romeo…
En 2014, les jeunes de 1982 sont des quinquagénaires totalement intégrés dans la population du pays et seul leur patronyme permet de discerner leur origine. Ce sont leurs enfants, la troisième génération, et même pour les plus jeunes, la quatrième génération, qui descendent désormais dans la rue. Et justement, les observateurs ont remarqué à l’occasion du premier match et de la première victoire de l’Italie qu’ils étaient moins nombreux qu’auparavant.
Au fil des générations et des mariages «mixtes», l’helvétisation est à l’œuvre; le pays d’origine devient lointain et ne suscite plus la même adhésion. Si l’Espagne n’avait pas été éliminée, le même phénomène aurait peut-être pu être vérifié chez les jeunes d’origine ibérique. La situation des Portugais est différente. C’est une immigration plus récente et les Lusitaniens sont coutumiers des allers et retours dans leur pays lors des changements de conjoncture. Gageons que les jeunes issus du Portugal seront tous dans la rue si les résultats de leur sélection s’améliorent.
Manifester dans la rue avec le drapeau du pays d’origine des parents est d’ailleurs paradoxalement un signe fort d’intégration. C’est l’indice que l’on maîtrise les codes de son pays d’adoption et que l’on peut se permettre cette petite distanciation festive. Jamais un immigré peu intégré n’oserait agir ainsi. L’immigration balkanique, elle, est fort discrète. Peu ou pas de drapeaux de la Croatie ou de la Bosnie aux fenêtres. Il est vrai que les enfants de l’ex-Yougoslavie ont choisi une voie plus directe pour leur assimilation: ils constituent quasiment la moitié de l’équipe suisse de football!
Cette intégration progressive se remarque aussi dans les drapeaux aux fenêtres. Il nous semble, mais c’est bien sûr très subjectif, qu’ils sont sensiblement moins nombreux que lors des tournois précédents, sauf, justement, l’étendard du Portugal.
On note un nombre élevé de drapeaux brésiliens, sans doute très nettement plus que le nombre de citoyens du pays de Gilberto Gil présents en Suisse. Le mythe du football brésilien spectaculaire et offensif, qui ne correspond pourtant plus depuis longtemps à une réalité, reste bien vivant. Et puis, sans doute pour la grande perplexité des vrais connaisseurs du Brésil, le drapeau auriverde n’est plus l’emblème d’un pays, mais une sorte de signe festif qui signifie qu’ici on fait la fête comme lors de la soirée brésilienne du Montreux Jazz.
Aucun rapport avec la réalité du Brésil, bien sûr, mais après tout il y a pire comme appropriation symbolique.
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