La prise de contrôle de la société Atel (Aare-Tessin AG für ElektrizitŠt) par UBS annonce de grandes manœuvres dans l’économie électrique helvétique. Mais ce secteur florissant, déjà actif à l’étranger, ne pourra se développer dans le contexte protectionniste qui prévaut actuellement en Suisse. D’où l’urgence d’adopter une nouvelle législation qui assure la sécurité de l’approvisionnement, tout en posant les règles d’une ouverture du marché.
Le rejet populaire de la loi sur le marché de l’électricité, en automne 2002, n’a pas clos le débat. Pour la bonne raison que le choix qui s’offre à la Suisse n’oppose pas libéralisation et monopole, mais bien libéralisation sauvage et régulation du marché. L’absence actuelle de règles claires a permis à la Commission de la concurrence, appuyée par le Tribunal fédéral, d’imposer au cas par cas une ouverture du marché. Mais dans les faits, ce marché reste largement dominé par les monopoles de distribution régionaux et locaux. Cette situation n’est pas satisfaisante, car elle engendre à la fois une grande insécurité et une inégalité de traitement. Les tarifs pratiqués sont opaques, les gros consommateurs obtenant des rabais, trop souvent sur le dos des ménages, consommateurs captifs de leurs fournisseurs. Il est donc temps que l’Etat fixe dans un cadre légal les exigences auxquelles doit obéir un marché à la fois efficace et efficient.
Ni statu quo ni libéralisation sauvage
Le débat abstrait et idéologique qui oppose les partisans de la libéralisation et les tenants du monopole ne donne pas de réponse pratique. Une concurrence sans cautèles conduit à une baisse des capacités de production et en définitive à une augmentation des prix, contrairement à ce que promettent ses partisans. Le monopole favorise le maintien du cloisonnement extrême de l’économie électrique, ce qui provoque un prix moyen trop élevé et une grande disparité des tarifs ; il engendre par ailleurs des rentes de situation comme l’a récemment illustré le conflit entre les Services industriels de la capitale vaudoise et les communes de la périphérie lausannoise. Lausanne impose à ses clients publics un prix supérieur de près de 40% à celui du marché et engrange un bénéfice annuel de plusieurs dizaines de millions. Le maintien du statu quo – pas plus qu’une ouverture sauvage du marché – ne représente une solution viable.
La gauche politique et syndicale s’est mobilisée avec succès pour faire échouer le projet de loi sur le marché électrique qui n’était pas exempt de faiblesses. Aujourd’hui elle doit abandonner une position purement défensive qui, loin de favoriser un service public de qualité, flirte dangereusement avec un corporatisme étroit. La panne historique, qui l’automne dernier a plongé l’Italie dans le noir, a mis en évidence des lacunes dans la gestion du réseau et notre profonde intégration dans l’Europe électrique. Dans la perspective de l’ouverture complète du marché européen en 2007, la Suisse a besoin d’une société nationale et publique de transport à très haute tension et d’un organe de régulation indépendant et fort, capable de contrôler le respect des exigences écologiques – par exemple la priorité aux énergies renouvelables – et de la sécurité de l’approvisionnement.
Quant aux quatre principaux opérateurs, ils ont maintenant la possibilité de concentrer leurs forces. Atel, mis en vente par UBS, pourrait être racheté par les Forces motrices bernoises ou par EOS (Energie Ouest Suisse). Si l’une de ces deux sociétés ne saisit pas l’occasion, de grands groupes étrangers, français, italien ou allemand, ne se feront pas prier.
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