Surprise et colère en Helvétie. Bruxelles a décidé soudainement de taxer les produits européens importés par les pays tiers avec lesquels l’Europe pratique le libre-échange et qui sont ensuite réexportés dans les pays de l’Union.
Mais à quoi donc rime ce détour des marchandises par la Suisse ? C’est que notre pays, de par sa situation centrale, abrite de nombreux centres logistiques, a-t-on pu lire. Des centres qui risquent de partir si cette taxe est maintenue.
En réalité la raison de ce détour est tout simplement fiscale. En transitant par la Suisse, le produit fabriqué en Europe y dépose son bénéfice : importé au prix de revient, il est réexporté au prix de vente. Ni la filiale ou le soutraitant qui produit, ni ceux qui vendent ne font l’essentiel des bénéfices, mais bien l’entreprise établie en Suisse, là où les impôts sont les plus bas et les contrôles inexistants, faute d’entraide administrative en matière fiscale, secret bancaire oblige.
Le comité douanier de l’Union européenne y a-t-il pensé ? Les experts de l’Union qui nous reprochent depuis des années nos sociétés boîtes aux lettres, un des moyens d’évasion fiscale privilégiés des entreprises européennes, sont-ils à l’origine de cette proposition ?
La libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux implique le respect de règles du jeu complexes et cohérentes. Petit pays sympathique, au cœur de l’Europe, toujours prêt à s’adapter aux règles communautaires, la Suisse – comme ses entreprises – a jusqu’ici été traitée sur un pied d’égalité. Or aujourd’hui, parce que les règles touchent à l’harmonisation de la fiscalité, la Suisse met les pieds au mur. Dès lors Bruxelles n’a d’autre choix que d’intervenir chaque fois que la mauvaise volonté helvétique entraîne des distorsions du marché et des avantages économiques pour ses entreprises.
Demain, d’autres secteurs économiques seront touchés et contraints de quitter la Suisse, à commencer par les banques. Comme c’est déjà le cas pour l’Allemagne, qui interdit aux banques établies à l’étranger le recrutement de clients sur son territoire, les établissements bancaires helvétiques seront contraints de gérer la fortune de leurs clients européens à partir de leurs filiales européennes soumises aux contraintes de l’échange d’information en matière fiscale.
Il est tentant d’y voir chicanes et hostilité, c’est ce que fera l’UDC. La réalité est bien différente : on ne peut pas être à la fois dans et hors de l’Union européenne, profiter de ses avantages sans en supporter les contraintes. Tel était le message de Jacques Delors lorsqu’il nous a proposé l’Espace économique européen.
Ce message est plus que jamais d’actualité. Notre choix n’est pas d’entrer ou non dans l’Europe: nous y sommes de facto. Notre choix, c’est d’y rester ou d’en sortir. Et y rester, c’est accepter tôt ou tard de participer pleinement aux décisions et de siéger à Bruxelles. En sortir, c’est détruire des pans entiers de notre économie.
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