
Pékin, l’Afrique du Sud, Sotchi, et maintenant le Brésil. Les Brics posent leurs candidatures pour les deux grandes manifestations sportives de la planète, le Mondial de football et les Jeux olympiques, les obtiennent et construisent ensuite des stades inutiles à n’importe quel prix dans la démesure.
On pourrait croire que l’Inde dont la culture est faiblement orientée vers le sport, cricket excepté, échappe pour l’instant à cette folie des grandeurs, mais ce serait oublier les Jeux du Commonwealth en 2010 à Delhi dont l’organisation, désastreuse selon tous les observateurs, écarte pour longtemps ce pays de la candidature à de grands événements. Et nous ne parlerons pas de l’attribution du Mondial 2022 de football au Qatar, qui relève d’une autre logique, purement financière, celle-là.
Pourtant ces pays émergents ont des régimes politiques fort différents. La nouvelle autocratie russe, la dictature de marché chinoise, la démocratie brésilienne et sa majorité quasi social-démocrate, l’Inde et sa tradition issue de Westminster, l’Afrique du Sud et son parti dominant légitimé par la victoire contre l’apartheid: les Brics ont néanmoins en commun leur besoin d’affirmation. Montrer au reste du monde que ces nations savent organiser de grands événements et qu’elles sont désormais des puissances avec lesquelles il faut compter.
Mais au fond qui est vraiment dupe? Certainement pas les opinions publiques occidentales. Un grand classique des reportages de nos médias consiste désormais à revenir quelques mois plus tard sur les lieux de ces manifestations et à montrer les infrastructures désertes qui commencent déjà à se déliter. On l’a vu avec les stades de l’Afrique du Sud et avec les installations de Sotchi ou de Pékin. Et les articles n’ont pas manqué sur les expulsés des lieux de compétition en Afrique du Sud et sur les travailleurs caucasiens bannis et quasiment pas payés à Sotchi.
Londres au moins a planifié avant les Jeux la reconversion et la réduction de la capacité des équipements construits pour l’occasion.
Le Brésil a vraiment choisi la difficulté avec un appétit d’ogre. Le pays va organiser à deux ans d’intervalle le Mondial de football et les Jeux olympiques. Pour le football, c’était au tour de l’Amérique latine et pour les JO, ceux-ci n’avaient encore jamais été organisés sur le continent américain au sud de Mexico.
Tous ceux qui pensaient que l’enthousiasme des Brésiliens pour le sport permettrait de leur faire avaler n’importe quelle pilule sont en train de tomber de haut. Oui, les Brésiliens sont en même temps fous de football et parfaitement conscients des problèmes sociaux. Visiblement le déplacement des habitants des favelas, les villages Potemkine pour masquer la misère, les conditions de travail très précaires des ouvriers sur les chantiers, la construction de stades dans des villes où il n’y aura jamais le potentiel de spectateurs pour justifier ces mastodontes – Cuiaba, Fortaleza, Manaus ou Natal – suscitent des réactions très vives dans la population. Un excellent dossier sur ces questions a été réuni par Solidar Suisse (voir aussi Alliance Sud).
En 2008, la Suisse et l’Autriche ont organisé l’Euro de football. Aucun stade n’a été construit. Les Autrichiens ont rénové le Prater qui a accueilli la finale. La compétition a été un plein succès…
Il ne s’agit pas, du haut de notre position de pays riches en infrastructures, de faire la leçon aux nations qui veulent profiter de l’organisation de ces grandes manifestations sportives pour développer leurs équipements. Mais si leur but est d’épater nos prospères pays du Nord en démontrant leur puissance au prix d’un gaspillage économique et d’un saccage social, il devrait être possible de leur faire comprendre qu’à l’heure de l’information instantanée, ces actions se retournent contre eux et ne leur valent aucun gain de popularité, bien au contraire.
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