
L’Onu a déclaré 2014 «Année de l’agriculture familiale». Une dédicace pour une structure certes millénaire, mais en voie de disparition? En aucun cas. Les exploitations familiales produisent 70% de l’alimentation de la planète et 40% de la population mondiale vivent de l’agriculture. L’Onu ne fait pas dans la nostalgie.
Au contraire, elle mise sur une forme d’organisation qui pourrait bien représenter la seule alternative viable à l’agriculture productiviste et industrielle, un échec humain, sanitaire et écologique. C’est le diagnostic posé par Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, dans un document livré au terme de son mandat.
Le rapporteur constate certes une augmentation importante de la production agricole au cours des 50 dernières années, notamment grâce à la «révolution verte» – variétés à haut rendement, irrigation, mécanisation, pesticides et engrais azotés. Mais cette approche purement quantitative a eu des effets négatifs sur l’environnement. L’extension des monocultures a conduit à une baisse sensible de la biodiversité et donc à une érosion accélérée des sols ainsi qu’à la pollution des eaux. L’agriculture industrielle, en particulier l’élevage, contribue aux émissions de gaz à effet de serre. Et le changement climatique contribue déjà à une baisse de la productivité agricole.
La production de viande engloutit plus du tiers des récoltes de céréales. Si l’on y ajoute les pâturages, l’élevage monopolise à lui seul 70% des terres agricoles. Et la production de biocarburants concurrence également les cultures vivrières.
Ce diagnostic signe l’échec de nos systèmes alimentaires. Si la production agricole globale a crû plus rapidement que la population au cours des dernières décennies, la faim et la malnutrition n’ont pas pour autant reculé de manière significative, selon de Schutter. La priorité mise sur la production des produits de base destinés à l’exportation n’a pas profité aux petits paysans. Ceux-ci, découragés par des prix trop bas et concurrencés par les produits agricoles subventionnés des pays développés – en 2012, 259 milliards de dollars pour les pays de l’OCDE –, sont trop souvent condamnés à migrer vers les villes. Et les pays pauvres se voient contraints d’importer leur alimentation.
Olivier de Schutter met en garde contre une réponse purement quantitative qui miserait tout sur l’augmentation de la productivité.
Homme de terrain, il sait que le droit à une alimentation saine et suffisante ne peut résulter que d’une multiplicité de facteurs. Réduire la pauvreté de manière à permettre une meilleure répartition de la production. Mais aussi établir les bases d’une production durable qui respecte les sols et minimise le recours à des intrants externes (l’agroécologie). Parvenir à des relations commerciales plus équitables en organisant les producteurs, aujourd’hui livrés à des acheteurs puissants. Empêcher la mainmise des semenciers multinationaux sur les espèces végétales (voir à ce sujet le remarquable dossier de la Déclaration de Berne et de Pro Specie Rara).
Mais aussi revoir les modes de consommation et les politiques agricoles des pays riches. Car le droit à l’alimentation n’est pas l’affaire du seul tiers monde. C’est pourquoi des organisations helvétiques prennent une part active à cette Année de l’agriculture familiale et centrent leurs actions de coopération sur les exploitations rurales (ici et là)
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!