La réussite des machines à café Nespresso est fondée sur un modèle économique astucieux: Nestlé conçoit les caractéristiques majeures du matériel, mais ne le fabrique pas directement et ne vend que les capsules. Les spécifications du couple machine/dosettes changent régulièrement afin de gêner la concurrence qui propose des produits «compatibles».
Mais ce petit jeu connaît désormais ses limites, en France tout au moins. A la suite d’une procédure ouverte devant l’Autorité de la concurrence de nos voisins, Nespresso a pris une série d’engagements pour faciliter l’accès à ses machines des autres acteurs du marché des capsules.
Le quart du chiffre d’affaires mondial de Nespresso est réalisé en France et 85% des capsules utilisées dans ses machines sont de la marque éponyme. Le marché français est donc de première importance pour l’entreprise de Vidy. Les sociétés qui ont saisi l’autorité de la concurrence, DEMP et Ethical Coffee Company, fondée par un ancien patron de Nespresso, dénoncent des «pratiques d’éviction».
A la suite de l’enquête de l’Autorité de la concurrence, l’entreprise s’est engagée à communiquer aux autres fabricants de dosettes, qui en feraient la demande, toutes les modifications techniques des machines portant sur l’interaction entre les capsules et le matériel, au moins trois mois avant leur entrée en vigueur.
La marque de Nestlé s’est aussi engagée à changer sa garantie, qui s’appliquera désormais également lorsque des capsules d’une autre marque sont utilisées. Il incombera à Nespresso d’apporter la preuve que la défaillance constatée est provoquée par l’utilisation de dosettes d’une autre entreprise.
Enfin, Nespresso devra supprimer des machines toute inscription laissant entendre que le matériel ne peut fonctionner qu’avec les capsules d’origine.
Après un «test de marché» (nous appellerions cela une procédure de consultation), l’Autorité de la concurrence se réunira sans doute au mois de juin pour examiner si ces mesures sont suffisantes.
Cette situation rappelle furieusement les tentatives désespérées de Microsoft pour maintenir le monopole du navigateur Internet Explorer et les abus de position dominante qui ont valu des amendes très salées aux grands de l’informatique. Nespresso a d’ailleurs aussi dû faire face à des actions en justice en Suisse.
Nespresso fabrique la quasi-totalité de ses capsules dans le canton de Vaud. Elle y a son siège social, et personne n’est enclin à faire des difficultés à la poule aux œufs d’or. L’entreprise est un exemple d’innovation et de réussite industrielle et commerciale, mais la tentation de la recherche du monopole est toujours présente. Le mouvement entamé par les Français finira par être suivi partout, et la Suisse n’y échappera pas.
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