
Tout ce qui touche à la politique de sécurité et à la défense armée baigne dans un flou prononcé sinon artistique. Depuis la chute du Mur, la Suisse n’est pas encore parvenue à prendre acte de la nouvelle situation en Europe et à adapter son concept sécuritaire à cette donne.
Le rapport du Conseil fédéral sur la politique de sécurité (2010) n’a pas réussi à dégager des lignes directrices claires et des priorités. La réforme de l’armée fut retardée par le conflit entre l’exécutif et le Parlement au sujet des effectifs et de l’enveloppe budgétaire. Alors que le premier voulait réduire les effectifs à 80’000 pour un budget de 4,7 milliards, le second a choisi une armée de 100’000 personnes – pour justifier l’enrôlement de tous les jeunes soumis à l’obligation de servir? – et une enveloppe de 5 milliards. Quant au développement de l’armée, nous en saurons plus l’été prochain, lorsque le Conseil fédéral aura publié son message.
Ces hésitations et incertitudes n’ont pas empêché les autorités de décider du renouvellement de la flotte aérienne, condition indispensable, affirment-elles, pour assurer la souveraineté de notre espace aérien et appuyer les forces terrestres au sol.
Personne ne conteste la nécessité d’une police aérienne. Nous disposons pour ce faire de 33 F/A-18, récemment modernisés pour près de 400 millions. Une flotte tout à fait suffisante pour l’accomplissement de cette tâche à l’horizon 2030, comme le relevait en 2009 déjà le brigadier Hans-Ulrich Ernst, ancien secrétaire général de ce qui était alors le département militaire fédéral. Qui ne voyait par contre aucune menace plausible exigeant un appui aérien aux troupes terrestres.
La maximisation des risques et la prise en compte de scénarios hautement improbables – l’effondrement de l’Union européenne et la dissolution de l’OTAN, par exemple – relèvent de la logique de l’institution militaire, qui comme toute institution vise en priorité son propre développement. Et l’armée peut compter sur le soutien sans faille des secteurs économiques qui profitent de cette ambition au travers des affaires compensatoires, promises en l’occurrence par Saab, le fabricant du Gripen. L’armée n’est pas seulement un instrument au service de la politique de sécurité. Elle représente aussi un «fromage» convoité, il suffit d’observer les récentes protestations à l’annonce de la fermeture de places d’armes, d’aérodromes et autres arsenaux.
Reste la préparation des futurs pilotes au maniement des appareils qui prendront la relève des F/A-18 d’ici 15 à 20 ans. La collaboration avec d’autres Etats pour des stages de formation permettrait de maintenir à niveau la formation de nos aviateurs (DP 1926). Economiser 3,1 milliards à l’achat et plusieurs milliards encore de frais de maintenance et admettre que la sécurité, notamment aérienne, passe par une collaboration accrue avec nos voisins, voilà la solution de raison.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!