En France, la Haute autorité de santé (HAS) ne trouve aucune utilité au dosage de routine de la vitamine D. Pourtant 6,3 millions d’examens ont été réalisés en 2011, pour une facture de près de 100 millions d’euros. Comment expliquer une telle explosion de demandes médicales alors que rien, médicalement, ne la justifie?
Le rapport de la HAS rejette le dosage de la vitamine D pour les risques de cancers colorectal, du sein, de la prostate, l’hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires, les allergies, les maladies auto-immunes, le diabète de type II, la grossesse, les maladies infectieuses, les pertes de performances cognitives.
L’exception c’est la santé osseuse, chez les personnes âgées en particulier, qui semble requérir des concentrations sériques importantes qu’il faut donc mesurer. Une étude suisse portant sur plus de 30’000 personnes âgées (avec 1’111 incidents de fracture de la hanche) montre que seules des doses journalières élevées de vitamine D permettent de réduire (un peu) ce risque; d’autres études sont moins concluantes.
Tous déficients
La vitamine D est fabriquée par notre peau sous influence du soleil: 5 à 30 minutes, jambes et bras dénudés, sont en principe suffisantes. La vitamine D3 fabriquée en été est d’ailleurs stockée (dans les graisses) pour l’hiver. L’huile de foie de morue, le lait sont des sources alimentaires. Il n’y a honnêtement pas de taux «normal» indubitable de taux de vitamine D au-dessous duquel nous serions déficients.
Résultat: nous sommes tous testés et nous sommes tous jugés déficients. Par exemple, une étude faite à Boston sur le personnel d’un hôpital rapporte qu’un tiers du personnel peut être considéré comme déficient, malgré le verre de lait et la pilule multivitaminée au quotidien – et le saumon une fois par semaine. En Suisse, de janvier à mars, neuf hommes sur dix auraient des taux insuffisants ou déficients en vitamine D. En bref, seul un déménagement au Tessin peut doubler vos chances de ne pas être déficient.
De nombreuses études démontrent qu’un bas niveau de vitamine D est associé à de nombreuses maladies. Mais, corrélation n’étant pas cause, cette association n’indique pas automatiquement que la déficience en vitamine D soit responsable de la maladie.
En janvier dernier, la très sérieuse revue médicale Lancet s’attaque dans une série d’articles au mythe de la vitamine D elle-même. Lancet conclut que les taux bas de vitamine D sont bien la conséquence et non la cause d’une mauvaise santé. L’industrie des compléments en vitamines prend donc le problème par le mauvais côté. Or, aux Etats-Unis près de la moitié des adultes prennent aujourd’hui des comprimés de vitamine D. Il y a du souci à se faire.
Trop c’est trop – les multivitamines
Mais le mythe vitaminique ne s’arrête pas à la vitamine D. La prise de pilules multivitaminiques est presque généralisée. Au point que le coût des suppléments aux Etats-Unis est de 30 milliards de dollars par an – soit autant que l’investissement fédéral total pour la recherche médicale, toutes maladies confondues.
Prétendre que les multivitamines ont un effet bénéfique dans la prévention des maladies chroniques est erroné. Cela n’est vrai que pour des groupes ciblés – par exemple les végans. «Enough is Enough: Stop Wasting Money» (avec des pilules multivitaminiques) affirme l’édito de Annals of internal medicine, après une revue de 27 essais cliniques impliquant plus de 400’000 participants.
Que conclure? Pour la vitamine D, des grands essais cliniques sont encore en cours qui, espérons-le, définiront plus clairement les personnes qui pourraient profiter d’un supplément. On pourra suivre l’évolution sur un bon site comme celui de Planète Santé.
Les 100 millions d’euros annuels pour les examens, les 30 milliards de dollars annuels pour les suppléments montrent que la grande tolérance envers «ce qui ne peut pas faire de mal» a quand même des conséquences sociales et de santé.
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