L’absence d’un droit d’initiative législative au
niveau fédéral constitue une lacune de taille dans la panoplie des
droits populaires. L’initiative constitutionnelle reste la seule
possibilité d’initier une réforme, à la condition, difficile, de réunir
la double majorité du peuple et des cantons. Et si l’obstacle
procédural est surmonté, elle alourdit la Constitution de dispositions
de détail qui n’ont rien à y faire. Le projet du Conseil fédéral –
l’initiative de portée générale qui ne distingue pas le niveau normatif
– est donc à première vue justifié.
Pourtant la réforme proposée
présente deux erreurs de conception. Pourquoi un comité ou un parti
lance-t-il une initiative populaire ? Pour pallier l’inaction du
Parlement ou pour faire prévaloir un autre point de vue ? Or il
reviendra à ce Parlement de concrétiser l’initiative de portée
générale, de choisir d’en formaliser le contenu dans la Constitution
et, ou, dans la loi. Un choix qui n’est pas seulement technique mais
aussi politique.
L’initiative constitutionnelle
Nous
connaissons déjà l’initiative constitutionnelle en termes généraux qui
laisse aux députés le soin de sa formulation précise. Or cette
possibilité est rarement utilisée : à neuf reprises pour deux cent
cinquante initiatives déposées. Parce que les initiants, à juste titre,
se méfient du Parlement. Ainsi, les instituteurs à l’origine de
l’initiative pour un service civil – initiative de Münchenstein – se
sentant trahis par l’interprétation qu’en avaient fait les députés,
s’étaient finalement opposés au projet.
Enfin, pour rendre plus
attractif cet instrument qui n’est qu’une incitation, le Parlement
aurait pu abaisser le nombre des signatures nécessaires pour faire
aboutir la demande. Non, il l’a fixé à 100 000. A ce tarif, mieux vaut
tenter l’initiative constitutionnelle qui permet de soumettre au peuple
un texte non retouché par les députés.
Certes les initiants pourront
contester devant le Tribunal fédéral l’interprétation faite par les
Chambres. Mais quelle liberté d’appréciation s’accorderont les juges de
Mon-Repos ? Et surtout cette possibilité ne fera qu’allonger une
procédure déjà extrêmement complexe. Qu’on en juge : si le Parlement
rejette l’initiative – ce qui devrait être la règle – cette dernière
est alors soumise au peuple. En cas d’acceptation, les députés se
mettent au travail. Si le résultat est de niveau constitutionnel, une
nouvelle votation est obligatoire ; s’il est législatif, le référendum
facultatif est ouvert. Le Parlement peut encore élaborer simultanément
un contre-projet, les deux versions font alors l’objet d’une votation
obligatoire.
Plutôt que de renforcer la démocratie directe – version
officielle – les Chambres fédérales n’ont-elles pas plutôt cherché à
dissuader les utilisateurs ?
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