Le droit de recours des associations de protection de l’environnement se trouve depuis des années dans le collimateur de politiciens qui se proclament défenseurs de la patrie. En réalité ces politiciens se font les relais de prédateurs qui exploitent sans vergogne le territoire avec la complicité d’autorités locales peu soucieuses du droit en vigueur.
En un quart de siècle, les arguments n’ont pas varié. Les écologistes abusent du droit de recours et empêchent la réalisation de projets indispensables au développement régional. En mettant les promoteurs sous pression et en obtenant des concessions sous la menace d’un recours, ils court-circuitent les procédures démocratiques. Par ailleurs ce droit serait superflu puisqu’une surveillance est déjà exercée par les cantons et, en dernière instance, par la Confédération.
Ces arguments sont infondés. L’analyse des recours déposés en matière d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement montre que les associations font un usage modéré de ce droit, contrairement aux particuliers et aux communes. Par ailleurs le point de vue des écologistes est confirmé par les tribunaux dans la majorité des cas. Leurs interventions sont donc bien justifiées. Comme dans le cas du changement d’affectation de zone décidée par le canton d’Appenzell Rhodes extérieures en faveur du coureur automobile Michael Schumacher, en violation flagrante du droit fédéral. Comme dans le cas de la commune valaisanne de Mase qui vient de tracer une route à travers un paysage protégé sans aucune autorisation.
Mais ces faits avérés ne troublent pas les ennemis du droit de recours. En réaction à l’échec de l’établissement du coureur allemand dans son canton, un conseiller national appenzellois UDC demande l’abolition totale de ce droit. Son collègue de parti, le Conseiller aux Etats zurichois Hans Hofmann vient de déposer une initiative parlementaire qui va dans le même sens, quand bien même une motion analogue de sa part a été rejetée l’an passé.
Ce harcèlement continu – motions et initiatives parlementaires presque toujours en provenance de l’UDC en 1998, 1999, 2000, 2001 – ne vise qu’à vider de leur substance les législations fédérales de protection de l’environnement et d’aménagement du territoire. En faisant usage de leur droit de recours, les associations de protection de la nature remplissent une fonction civique de première importance. Grâce à elles, les autorités locales n’ont pas la liberté de privilégier des intérêts particuliers au mépris du droit en vigueur.
A. Morand, T. Tanquerel, A. Flückiger, Evaluation du droit de recours des organisations de protection de l’environnement. Cahier de l’environnement n° 314, Office fédéral de l’environnement, Berne, 2000.
«Où sont les véritables défenseurs du patrimoine ?». Pro Natura Magazine, novembre 2002.
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