En ne cédant pas un pouce sur le salaire minimum, le gouvernement et le Parlement manifestent une crasse indifférence à l’égard des rémunérations indécentes. Une indifférence qui pourrait peser lourd lors du scrutin du 9 février prochain sur l’initiative de l’Union syndicale suisse.
Le dernier jour de la session d’hiver, les parlementaires bourgeois unanimes ont confirmé l’aversion qu’ils portent à l’idée même d’un salaire minimum. On aurait attendu du Conseil fédéral et des Chambres qu’ils proposent, en guise de contre-projet, une solution plus souple, mieux adaptée aux spécificités des branches et des régions. Même la motion adoptée à l’unanimité par le Conseil des Etats a été amputée de son point le plus important par le Conseil national: faire l’inventaire des lacunes dans l’application des mesures d’accompagnement et proposer des mesures pour y remédier, passe encore; mais simplifier et accélérer les procédures permettant de déclarer de force obligatoire les conventions collectives et les contrats types de travail, voilà qui dépasse la mesure.
Ces mêmes députés, tout au long du débat, n’ont cessé de louer les mérites du partenariat social, un atout que la fixation d’un salaire minimum affaiblirait. Ce partenariat social ne fait pourtant pas montre d’une santé éclatante: moins de la moitié des salariés du secteur privé sont couverts par une convention collective, sans mention d’un salaire minimum pour un quart d’entre eux. Et c’est précisément dans les secteurs à bas salaires qu’on note l’absence de conventions et qu’il serait urgent de pouvoir imposer.
Le niveau des salaires reflète la productivité d’une entreprise, d’une branche; si la valeur ajoutée se révèle trop faible, c’est à la politique sociale d’intervenir pour compléter un revenu insuffisant pour vivre, a-t-on entendu. Cette argumentation vaut son pesant d’hypocrisie dans la bouche de députés qui sont les premiers à s’offusquer de l’explosion des dépenses sociales, à dénoncer les abus et à revendiquer une baisse de la pression fiscale.
Les mêmes louent la création d’emplois que favoriseraient les bas salaires. Certes, mais des emplois occupés en grande partie par des salariés de faible niveau de formation recrutés à l’étranger. Des salariés condamnés au chômage et à l’aide sociale au moindre affaiblissement conjoncturel. Est-ce là un modèle de développement durable?
Si les adversaires d’un salaire minimum ne sont pas prêts à payer 22 francs de l’heure leur femme de ménage, qu’ils nettoient eux-mêmes leur logement, comme le leur suggère Rudolf Strahm dans l’une de ses chroniques (Tages-Anzeiger, 29 janvier 2013).
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