Il faut éviter le double non et le double oui. Voter résolument en faveur du contre-projet du Conseil fédéral sur l’affectation de l’or de la BNS sauverait une idée généreuse.
L’argent du peuple doit revenir au peuple, martèle l’UDC à l’appui de son initiative. Donc l’or de la Banque nationale appartient à l’AVS dont bénéficiera un jour ou l’autre chaque habitant du pays.
A quoi l’on peut rétorquer que si cet argent appartient au peuple, c’est à ce dernier de décider de son affectation: AVS bien sûr, amortissement de la dette publique, offensive de formation ou d’autres tâches collectives d’importance.
Le débat serait légitime si Arnold Koller, alors président de la Confédération, n’avait annoncé solennellement devant le Parlement la volonté du pays, épargné par la guerre, de témoigner sa solidarité. L’idée généreuse, née du besoin d’écouler les réserves excédentaires de la BNS sans stimuler l’inflation, fut malheureusement exprimée dans le contexte agité et tendu de l’affaire des fonds en déshérence. D’où le soupçon que la Fondation ne soit qu’une sorte de rançon payée pour nous libérer de la pression des organisations juives et des autorités américaines.
Un soupçon que l’UDC ne pouvait laisser en friche. Jeter l’opprobre sur les autorités, exacerber le sentiment nationaliste et proposer des miroirs aux alouettes, l’initiative de l’UDC contient tous les ingrédients habituels de la mixture politique servie par ce parti.
Voilà les deux raisons qui imposent un oui au contre-projet du parlement: partage pour une durée de trente ans du rendement de la fortune devenue inutile de la BNS entre la Fondation, l’AVS et les cantons; refus catégorique de l’initiative de l’UDC. Il y va tout d’abord de la parole donnée, donc de la crédibilité du pays; il est des occasions où il faut savoir serrer les rangs et faire taire les divergences qui ne sont pas fondamentales. Quant à l’initiative, elle n’a qu’un but, faire couler la Fondation. L’AVS est un pur prétexte, certes populaire, mais ce parti a suffisamment montré son indifférence sociale pour qu’on ne le prenne plus au sérieux sur ce thème.
Une procédure à manier avec précaution
Le 22 septembre prochain, le souverain est appelé pour la deuxième fois à se prononcer sur une initiative et un contre-projet en exprimant un double oui. Cette nouvelle procédure, introduite en 1987, doit éviter de donner un avantage indu aux partisans du statu quo qui auparavant pouvaient dire deux fois non, alors que les partisans du changement étaient limités à un seul choix positif. Mais attention, cette innovation peut réserver des surprises. Dans le cadre de la question subsidiaire – si les deux projets obtiennent la majorité du peuple et des cantons, lequel préférez-vous ? – les partisans de l’initiative de l’UDC vont privilégier cette dernière tout comme les supporters de la Fondation Suisse solidaire accorderont leurs suffrages au contre-projet. Mais que diront les tenants du double oui et du double non ? Difficile de faire un pronostic. En cas d’acceptation de l’initiative et du contre-projet, il n’est pas impossible que la question subsidiaire conduise à un résultat négatif. Ce serait le cas si la réponse à cette question donne une majorité populaire mais pas de majorité des cantons – ou l’inverse – à l’un et l’autre des deux textes. Paradoxe : dans un premier temps, chaque projet obtient la double majorité qualifiée du peuple et des cantons; mais cette double majorité fait défaut lorsqu’il s’agit de départager les projets qui passent tous deux à la trappe.
Raison de plus pour ne pas suivre le mot d’ordre risqué de l’Union syndicale – double oui – et de n’apporter son soutien qu’au contre-projet de la Fondation. jd
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