La recherche sur les embryons et les cellules souches est l’enjeu d’un vaste débat
éthique et politique. L’avenir et la diffusion des nouvelles thérapies en dépendent.
Le mois dernier, le Conseil fédéral a mis en consultation un projet de loi relatif à la recherche sur les embryons surnuméraires et les cellules souches embryonnaires. L’affaire a été rondement menée. C’est qu’il y a urgence. D’une part, les chercheurs helvétiques se heurtent à des normes juridiques qui entravent leurs investigations et qui risquent de les mettre sur la touche. Et d’autre part près d’un millier d’embryons congelés, obtenus dans le cadre de la fécondation artificielle et qui permettraient d’obtenir facilement des cellules souches, doivent être détruits d’ici la fin de l’an prochain, conformément à la législation en vigueur.
Le débat est indispensable
Parallèlement à la consultation, l’Office fédéral de la santé et le Groupe pour la science et la recherche ont chargé la Fondation Science et Cité d’organiser un vaste débat sur ce thème. La première manifestation s’est tenue récemment à Zurich. Chercheurs, éthiciens et politiciens ont échangé leurs points de vue face à un public qui a pu exprimer ses craintes, ses doutes et ses espoirs. Si l’on en croit les compte-rendus (NZZ, 10 juin 2002), la poursuite et l’approfondissement de ce débat semblent bien nécessaires, tant la discussion est partie dans tous les sens et les connaissances de base se sont révélées lacunaires.
La nature de l’embryon humain
L’essentiel des interrogations porte sur la nature de l’embryon humain, ce qu’il est permis ou non d’en faire, pour quels motifs et dans quelles conditions. Un embryon de quelques jours est-il une personne ? Si la réponse est positive, il doit logiquement bénéficier d’une protection absolue. Ou au contraire ne s’agit-il que d’une chose? Ou encore d’une réalité intermédiaire, pas tout à fait personne mais plus que simple chose, qui dès lors mérite une certaine protection? L’utilisation d’embryons surnuméraires engendrés lors de la fécondation artificielle pour obtenir des cellules souches est-elle plus condamnable que leur destruction pure et simple?
Les raisons de la recherche
Ces questions fondamentales sur la vie, son apparition et sa fin, ne doivent pourtant pas faire oublier les problèmes liés au comment et au pourquoi de la recherche sur les cellules souches. Cette perspective plus macroscopique, Christoph Rehmann-Sutter, président de la Commission nationale d’éthique en matière médicale, en rappelle fort opportunément les différentes dimensions (NZZ, 17 mai 2002).
Tout d’abord l’embryon surnuméraire entretient une relation étroite avec une femme qui envisageait de mener à terme une grossesse. L’adhésion explicite de cette femme, voire des géniteurs, est indispensable pour l’utilisation de cet embryon. Par ailleurs les scientifiques ne peuvent se prévaloir de manière abstraite de la liberté de la recherche pour justifier le besoin de cellules souches. On est en droit d’exiger de leur part qu’ils exposent clairement les motifs de leurs travaux et qu’ils rendent plausibles les avantages thérapeutiques attendus. De plus il ne faut pas négliger les alternatives: la possibilité de recourir à des cellules souches adultes (moelle épinière et cordon ombilical) et aux fœtus semble se préciser.
Si l’on prend un peu plus de distance encore, on n’échappe pas à la question du développement de la médecine régénérative.
La médecine régénérative
Pendant que le public se dispute à propos de la dignité de l’embryon, le risque est grand que des critères purement économiques dictent le rythme et la direction de cette médecine. Cette nouvelle tentative de repousser les limites de la maladie et de la mort, par les coûts qu’elle implique, va-t-elle profiter à tous les ayants-droit ou seulement à celles et ceux qui pourront payer ? Les investissements lourds qu’exige la médecine régénérative se feront-ils au détriment du soulagement de maux moins sophistiqués mais qui touchent des populations beaucoup plus nombreuses ?
Les questions métaphysiques soulevées, tout importantes qu’elles soient, ne doivent pas nous détourner de celles plus politiques qui ont trait à l’affectation des moyens d’une société et l’accès aux thérapies prometteuses que laisse espérer la recherche sur les cellules souches. jd
Le projet de loi relatif à la recherche sur les embryons ainsi que le message explicatif sont disponibles sur le site de l’Office fédéral de la santé www.bag.admin.ch
Le site de la Fondation Science et Cité (www.science-et-cite.ch) propose un dossier très complet et accessible aux laïcs.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!