L’Espagne la première a changé de cap, il y a plusieurs années déjà, puis l’Autriche plus récemment suivie par l’Italie, la Norvège, le Danemark, le Portugal, la Hollande. La France fera probablement de même le mois prochain et peut-être l’Allemagne fédérale à l’automne. Partout la gauche social-démocrate est en recul, elle qui, il y a peu assumait seule ou à la tête d’une coalition la responsabilité gouvernementale dans la plupart des pays européens.
Parallèlement des formations anciennes ou à peine nées, armées de programmes aussi tonitruants que sommaires, situées en général tout à droite de l’échiquier politique, obtiennent des succès électoraux surprenants.
Cette double évolution, qui d’ailleurs ne touche pas tous les pays du continent, suscite des analyses superficielles. Des analyses qui souvent servent de faire-valoir à ceux qui les proposent. Ainsi l’extrême gauche et plus particulièrement la mouvance trotskiste ne manquent pas de dénoncer la mollesse des socialistes au pouvoir, traîtres à leurs idéaux et, pour cette raison, lâchés par leur électorat. Et de préconiser un sérieux coup de barre à gauche – en fait le retour à un protectionnisme social et économique suicidaire -, un conseil d’autant plus facile que ces gardiens de la pureté idéologique n’ont jamais eu à exercer une quelconque responsabilité politique.
En réalité, le phénomène relève d’abord de l’usure des équipes au pouvoir, quelle que soit leur couleur politique. Aux Pays-Bas la semaine dernière, les formations bourgeoises membres de la coalition gouvernementale ont essuyé des pertes, comme leur partenaire socialiste. L’adaptation des structures économiques, la mondialisation des marchés, les contraintes budgétaires imposées par la monnaie unique limitent la marge de manœuvre des pouvoirs publics. Et les vrais changements ne se décrètent pas à coup de décisions législatives; ils se construisent progressivement et leurs effets n’apparaissent qu’à terme. Trop tard pour valoriser un bilan de législature, comme Lionel Jospin en a fait l’amère expérience.
La Suisse ne connaît pas l’alternance. Cet immobilisme apparent résulte de l’existence de droits populaires étendus : c’est d’abord par l’initiative et le référendum que le peuple infléchit les orientations politiques. Néanmoins la gauche helvétique aussi est tiraillée entre réformistes et partisans d’une ligne plus dure. Ce débat restera pourtant stérile s’il ne débouche pas sur des propositions susceptibles de rassembler une proportion croissante de l’électorat. Car c’est à partir d’un solide soutien populaire que la gauche pourra négocier des compromis avantageux. Dans le régime politique suisse, les majorités sont constamment à construire. JD
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