Les objectifs imposés par le Conseil des Etats à la réforme de l’armée reflètent tous un attachement fort au système de milice. L’armée doit rester ancrée dans le peuple. Si l’intention est louable, sa concrétisation risque bien de se heurter rapidement à la logique militaire.
Une école de recrues de dix-huit semaines, c’est le maximum qu’on puisse exiger aujourd’hui de jeunes peu enclins à sacrifier leur formation et leur carrière professionnelle sur l’autel de la patrie ; c’est la conclusion à laquelle sont arrivés les sénateurs.
Pourtant, maintenant déjà, avec une durée de quinze semaines, l’obligation de servir est devenue une fiction : au recrutement, 30 % des jeunes sont déclarés inaptes au service ; 14 % ne terminent pas leur école de recrues. Et si l’on ajoute encore les 4 % d’objecteurs, c’est à peine plus de la moitié d’une classe d’âge qui remplit ses obligations militaires. Le principe de milice est bien écorné.
Pour préserver ce caractère de milice, le Conseil des Etats a limité à 15 % d’une classe d’âge, l’effectif des soldats autorisés à accomplir leur service d’une seule traite, c’est-à-dire l’école de recrues et le cours de répétition. Une limitation qui traduit la crainte d’une professionnalisation rampante mais qui néglige les besoins de formation des cadres et les missions imparties à l’armée ; on pense en particulier aux tâches subsidiaires de police (comme par exemple la surveillance d’installations et d’ambassades).
Pas de centralisation, pas de flexibilité
Les sénateurs se sont encore opposés à une centralisation permettant une conduite flexible de l’armée. Au nom de l’ancrage dans le territoire et malgré les coûts supplémentaires, ils ont imposé le maintien des brigades de montagne Ð l’esprit du Réduit national est toujours vivant Ð et de quatre états-majors régionaux.
Il est bon que les militaires ne disposent pas d’un blanc-seing pour la réalisation de leurs plans. Mais il est douteux que les décisions du Conseil des Etats conduisent à une réforme qui corresponde aux besoins de sécurité de la Suisse du 21e siècle. jd
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