L’affaire était dans le sac. Ringier, premier groupe de presse helvétique, devait racheter « Jean Frey » (Die Weltwoche, Der Beobachter, Bilanz, TR7) à l’éditeur « Basler Mediengruppe ». Ce dernier, en besoin de liquidités, prétendait assurer ainsi la pérennité d’un titre prestigieux en perte de vitesse Ð Die Weltwoche Ð, dans lequel il avait investi plusieurs dizaines de millions en moins d’une décennie. Et soudain c’est une banque Ð Swissfirst Bank Ð qui souffle l’affaire à Ringier. Ce dernier a par trop tergiversé, se plaignent les Bâlois. Ces péripéties jettent une lumière crue sur les manœuvres auxquelles se livrent actuellement les grands groupes de presse et la légèreté avec laquelle ils traitent les publications.
Le groupe bâlois tout d’abord. Dans un premier temps, il assure que son choix est dicté par un souci journalistique : la Weltwoche ne peut que profiter de l’expérience et de la puissance de l’empire Ringier. Puis il cède « Jean Frey » à une banque agissant au nom d’investisseurs anonymes. Seul apparaît publiquement le nouveau patron de « Jean Frey », Filippo Leutenegger, chef fraîchement congédié de l’information à la TV alémanique. Un journaliste certes expérimenté, mais certainement pas un éditeur chevronné. Le soupçon se fait jour alors d’un coup des proches de l’UDC cherchant à s’assurer une plate-forme médiatique. Plus que l’avenir du groupe « Jean Frey », c’est le résultat financier de l’opération qui semble avoir d’abord motivé les Bâlois.
Le groupe Ringier ensuite. S’il était vraiment intéressé à intégrer de nouvelles publications de qualité, pourquoi a-t-il tardé à finaliser cette opération et s’est-il tu sur le sort qu’il pensait réserver à la Weltwoche ? Cette attitude révèle pour le moins un dilettantisme inquiétant de la part du premier groupe de presse du pays.
L’opacité de cette opération ne peut que nuire aux publications en cause ; quel est l’avenir de journaux dont rien ne garantit l’indépendance rédactionnelle et dont l’incertitude du sort ne peut que démotiver les collaborateurs, au moment même où la presse subit de plein fouet un recul de ses rentrées publicitaires ? jd
Pour ne manquer aucun article
Recevez la newsletter gratuite de Domaine Public.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!