
«Le PS salue l’extension de la libre circulation des personnes à la Croatie, nouveau membre de l’Union européenne.» C’est ainsi que débute le communiqué inspiré par le président Levrat qui conclut: «Le PS Suisse ne soutiendra l’extension de la libre circulation à la Croatie que si certaines conditions précises sont remplies. Celles-ci seront formulées et adoptées lors de l’Assemblées des délégué-e-s qui se tiendra à fin octobre.»
Le parti, qui dans son programme politique de 2010 demandait l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, serait donc prêt à se joindre à l’UDC pour rejeter l‘accord avec la Croatie et remettre en cause l’ensemble de l’édifice de nos relations avec Bruxelles. Ce serait un beau gâchis.
En fait, le président du PS renouvelle et précise une menace déjà lancée. «Pour Christian Levrat, poursuit le communiqué,seul un renforcement des mesures d’accompagnement, principalement dans le marché du travail et du logement, est à même de garantir que les bénéfices de la libre circulation des personnes puissent profiter à l’ensemble de la population. Il s’agit là d’une condition essentielle et non négociable.»Saluons les mesures préconisées qui sont tout à fait pertinentes. Leur introduction permettrait de rassurer la population inquiète des conséquences de la forte immigration que nous enregistrons. Mais on ne brandit une menace que si l’on est prêt à la mettre à exécution.
L’accord sur l’extension de la libre circulation avec la Croatie, que le Conseil fédéral vient de mettre en consultation, ne représente d’évidence aucune menace d’invasion migratoire. En 2023, ce petit pays de 4,3 millions d’habitants aura droit à 300 permis de longue durée et à 2’300 autorisations provisoires d’une validité inférieure à une année. Une clause de sauvegarde pourra être invoquée jusqu’en 2026. Qui peut dire quelle sera alors la situation économique en Suisse et en Europe? Dire non à la Croatie pour protéger le marché du travail dans une décennie ne serait qu’un placebo pour apaiser les craintes de la population.
Pour s’en convaincre, reprenons les déclarations dans Le Temps du même Christian Levrat qui s’opposait à l’activation de la clause de sauvegarde par le Conseil fédéral: «On vend du Valium à la population. Tout le monde sait bien que l’utilité sera nulle. Son application s’inscrirait dans la logique de l’UDC qui veut faire croire que le nombre de migrants peut être déterminé par le régime juridique appliqué. Or l’histoire de la migration en Suisse montre que ce qui est déterminant c’est la demande de main-d’œuvre et les conditions sur le marché du travail… Ce n’est pas en additionnant les actes symboliques, totalement inefficaces, que l’on gagne la confiance des gens.»
Après le Valium administré dès le 1er juin par le Conseil fédéral, le Dr Levrat propose donc de renouveler l’ordonnance. Pour que l’on fasse confiance à la politique de son parti?
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Rectificatif (06.09.2013 à 16h45): Le nombre d’autorisations provisoires d’une validité inférieure à une année auquel la Croatie aura droit en 2023 est de 2’300 (et non 300 comme écrit précédemment au quatrième paragraphe, à la suite d’une fausse manipulation d’édition et non d’une erreur de l’auteur).
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