
A l’occasion de la pause estivale, une dizaine de députés romands sont montés à l’assaut de l’accord sur l’imposition des successions signé avec la France. Derrière la proclamation des grands principes, c’est une politique fiscale agressive et source d’inégalité de traitement inacceptable qu’ils défendent.
La mise en scène grand-guignolesque et le vocabulaire guerrier de nos Artaban locaux – un cercueil figurant la mort du fédéralisme et de l’Etat de droit, la dénonciation du diktat français et de l’atteinte intolérable à la souveraineté helvétique – masquent mal la faiblesse de l’argumentation et la méconnaissance du dossier.
Depuis 1953, la Suisse et la France sont liées par une convention de double imposition (CDI). Or, en matière de fiscalité sur les successions la situation a changé. Parce que la quasi-totalité des cantons a supprimé l’impôt sur les successions en ligne directe, la CDI s’est transformée en une convention de double exonération. Un résident français qui hérite de parents également résidant dans l’Hexagone paie un impôt sur les successions. Mais si ce résident hérite une propriété dans notre pays acquise par ses parents établis en Suisse, il ne paie rien.
S’il est évident que la France cherche à améliorer ses rentrées fiscales, elle vise également à respecter l’égalité de traitement entre ses contribuables. Une égalité de traitement que la Suisse a par ailleurs invoquée il y a quelques années pour soumettre à l’impôt le deuxième pilier des travailleurs frontaliers, non imposé en France. Paris s’est engagé à déduire de la facture des contribuables français les montants perçus par les cantons suisses au titre de l’imposition des successions. Ce qui dénote bien la volonté française d’établir l’égalité de traitement entre ses contribuables.
Au départ, la France envisageait tout simplement de dénoncer la convention, ce qui aurait laissé libre cours à la double imposition. A la demande de la Suisse, elle a finalement accepté d’ouvrir des négociations. Il est donc erroné de prétendre que notre pays pourrait se satisfaire d’un vide conventionnel. Comme il est erroné de fustiger la rapacité du fisc français en matière d’imposition des successions: certes, le taux marginal maximum peut atteindre 45%, mais le taux moyen n’est que de 5%. Et l’imposition ne débute qu’à partir de 400’000 euros.
Si le Parlement fédéral ratifie cette convention, les députés contestataires envisagent de mobiliser les cantons pour le lancement d’un référendum. Mais avant d’exprimer sans retenue leur ressentiment à l’égard du grand voisin, les parlementaires fédéraux comme les députés romands mobilisés feraient bien de réaliser une pesée d’intérêt: dans le cadre du contentieux fiscal avec nos voisins, la Suisse doit impérativement régler le sort des avoirs étrangers non déclarés qu’elle abrite. Ce règlement nécessitera la compréhension des pays concernés, notamment la France dont des ressortissants ont choisi la Suisse romande pour mettre à l’abri leur patrimoine.
Dans ces conditions, le prix d’un refus de la CDI risque d’être sensiblement plus élevé que la satisfaction retirée d’un camouflet infligé à notre «arrogant» voisin.
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