En comparaison internationale, le patient helvétique reste (encore) un privilégié. En règle générale, il n’a pas à attendre des mois durant une intervention chirurgicale nécessaire et il bénéficie du traitement le plus adéquat. Pourtant la Suisse connaît déjà des formes moins spectaculaires de rationnement des soins. C’est ce que révèle une étude récemment publiée conjointement par l’Institut Dialog Ethik, un institut interdisciplinaire privé et indépendant, et par l’Institut de médecine tropicale de l’Université de Bâle. Basée sur de nombreux entretiens avec des experts et des praticiens et sur l’analyse des dépenses de santé, cette étude, bien que limitée aux cantons de Zurich et des deux Bâle, devrait alimenter positivement le débat pour une meilleure répartition des ressources affectées à la santé.
C’est dans le secteur de la médecine hospitalière surtout qu’on détecte un rationnement discret mais réel. Les mesures d’économies décidées dans les années quatre-vingt-dix ont conduit à des sorties prématurées de l’hôpital, au refus de séjours de réhabilitation, à la réduction des soins, à l’absence de soins palliatifs aux patients en fin de vie, au paiement de certains médicaments par le patient et non par l’hôpital par exemple. Les seules données disponibles au sujet de « l’effet tourniquet » – le patient doit retourner à l’hôpital dans les trente jours suivant sa sortie pour les mêmes raisons qui l’y ont conduit une première fois Ð concernent l’hôpital de Wetzikon dans l’Oberland zurichois : de 1990 à 2000, ce taux a bondi de 376% !
Plus de matériel technique
Parallèlement à cette dégradation des soins, l’étude révèle un développement substantiel des actes techniques : analyses de laboratoire, diagnostics, médication et traitements inutiles infligés aux personnes en fin de vie. Ainsi au cours des cinq dernières années, les dépenses de matériel de l’hôpital cantonal de Bâle ont augmenté de 20% alors que celles pour le personnel diminuent constamment depuis 1992, une évolution que connaît également l’hôpital universitaire de Zurich.
Les ressources humaines consacrées à la santé connaissent donc un rationnement au détriment des patients comme du personnel soignant, alors que la dimension technique de la médecine ne cesse de prendre de l’importance. jd
On peut consulter le texte intégral de ce rapport (en allemand seulement) sur le site de l’Institut Dialog Ethik : www.dialog-ethik.ch
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