Les balades en montagne permettent d’échapper à la canicule. Elles offrent un contact direct avec la nature: minérale, elle évolue à un rythme millénaire; végétale, elle se hâte de déployer une prodigieuse diversité durant la courte période propice à la reproduction.
Quand on l’observe de près et qu’on a la chance de bénéficier de la compagnie d’un botaniste au savoir encyclopédique (merci à Raffaele Peduzzi), la flore alpine nous en apprend beaucoup sur le fonctionnement des sociétés humaines.
Ainsi de l’euphorbe faux cyprès (Euphorbia cyparissias). Cette herbacée vivace aux inflorescences vertes et jaunes peut être parasitée par un champignon (Uromyces pisi) qui empêche la dégradation de son hormone de croissance. L’euphorbe atteint alors deux à trois fois la longueur de la plante saine. Mais elle ne développe pas de fleurs et reste donc stérile. Elle est victime d’une véritable castration biochimique. En biologie, ce phénomène illustre les deux concepts de développement et de croissance.
La croissance est rituellement invoquée pour résoudre les difficultés financières des Etats et assurer la paix sociale. Or la modeste euphorbe faux cyprès nous rappelle que la seule croissance quantitative ne garantit pas un bien-être durable, comme l’a montré Amartya Sen, prix Nobel d’économie en 1998.
Ainsi des plantes pionnières telle l’androsace des Alpes (Androsace alpina) qui, en haute montagne, réussissent à se développer dans des conditions extrêmes – manque d’humus et d’eau, gelées tardives, vent – grâce à leur disposition en coussinets. Ce mode d’implantation favorise l’autofertilisation, puisque la matière organique produite est protégée par le coussinet. Il offre une résistance accrue au vent grâce à l’ancrage par une racine unique de type carotte. Le coussinet permet aux plantes les plus résistantes de survivre au gel printanier et de fleurir; il fonctionne comme une éponge qui retient l’eau en prévision des périodes de sécheresse et forme une tache de couleur qui attire les insectes, facilitant ainsi la reproduction. Et lorsque l’humus est formé, d’autres espèces plus exigeantes peuvent alors se développer.
Alors que la concurrence est érigée en principe économique quasi absolu, l’androsace des Alpes témoigne des avantages de la coopération qui, dans certaines situations, est une condition du développement ou tout simplement de la survie.
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