Ingrats et égoïstes les Irlandais qui ont refusé de ratifier le traité de Nice ? C’est dans ce registre que s’est exprimée la première réaction au résultat de la consultation populaire. Si les motivations des opposants furent multiples, l’absence d’engagement du gouvernement, des principaux partis, des partenaires sociaux et de l’Eglise, tous favorables au traité, constitue très probablement la raison principale de cet échec. Trop sûres d’elles, les élites ont négligé le nécessaire travail d’explication : selon un sondage réalisé à la veille du scrutin, près de la moitié du corps électoral n’avait pas compris l’enjeu.
L’actualité irlandaise concerne également la Suisse. Nous savons à quel point est exigeant l’exercice de la démocratie directe. Les nombreux objets soumis au suffrage populaire impliquent un effort considérable d’information. Les médias s’en acquittent généralement à satisfaction. Mais si l’information est la condition nécessaire du débat démocratique, elle ne suffit pas. Encore faut-il que les partis, les organisations sociales et économiques prennent position et mobilisent leurs troupes, mettent en évidence les intérêts et les valeurs en jeu. Informés sur le fond et orientés sur les enjeux, les citoyennes et les citoyens seront alors en mesure de faire leur choix.
Ce modèle ne fonctionne pas toujours de manière satisfaisante. Sur tel objet sans conséquences économiques directes, les grandes associations se tiennent en retrait et répugnent à fournir l’argent indispensable à une campagne efficace. Sur tel autre objet considéré par elle de première importance Ð l’armement des soldats suisses en mission de paix à l’étranger, l’an prochain l’adhésion à l’ONU Ð une organisation, en l’occurrence l’ASIN, va au contraire dépenser son trésor de guerre pour un véritable marathon publicitaire. Dans cette lutte pour attirer l’attention du public, les partis font figure de parents pauvres, dépendants de la générosité de bailleurs de fonds intéressés.
Dans la conception traditionnelle de la démocratie directe, le Conseil fédéral doit faire preuve de retenue, sa fonction d’exécutant de la volonté populaire oblige. A l’origine, l’intervention des magistrats à la radio et à la télévision fut contestée, tout comme le fascicule d’explication envoyé aux ménages depuis le début des années soixante-dix. Aujourd’hui, le gouvernement tend à se manifester plus ouvertement, palliant la modestie obligée des partis. Sur certains dossiers d’importance, on aimerait même le voir plus déterminé, plus collectivement engagé. A l’heure de la communication tous azimuts, ce serait fait preuve d’angélisme que de le lui reprocher. JD
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