Le Sénat américain s’est ému récemment du fait que la multinationale Apple ait «optimisé» ses charges fiscales de manière à les alléger fortement, tant aux Etats-Unis que dans d’autres pays. Starbucks fait de même. Et Amazon aussi. Ces pratiques sont en fait monnaie courante (si l’on ose dire) de la part de toutes les grandes entreprises, qu’elles soient américaines, européennes ou autres.
L’ONG américaine Citizens for Tax Justice (CTJ) vient de publier un bref rapport intitulé Apple is not alone. Sur la base des indications fournies par 290 des 500 plus grandes entreprises figurant sur la liste établie par la revue Fortune, CTJ estime que si les bénéfices déposés auprès de succursales domiciliées généralement dans des paradis fiscaux, tels que l’Irlande, le Luxembourg, les îles Caïman, les Bermudes, Singapour, Jersey, etc., étaient taxés au taux de 35% prévu aux Etats-Unis, les revenus encaissés au titre de l’impôt sur le bénéfice des personnes morales augmenteraient de près de 500 milliards de dollars.
Relevons que ces multinationales ne font rien de contraire à la loi américaine. Celle-ci prévoit que les bénéfices réalisés à l’étranger et qui y sont réinvestis ne sont pas imposables aux Etats-Unis. Et rien d’illégal non plus si ces bénéfices réalisés en dehors des Etats-Unis sont déclarés dans des pays qui ne prélèvent pas, ou que très peu d’impôts sur les bénéfices réalisés à l’étranger.
CTJ tire de ses observations une conclusion simple: il faut que tous les bénéfices réalisés par les grandes sociétés américaines soient taxés à 35%, dont elles pourront déduire les impôts effectivement payés à l’étranger.
La Suisse, terre d’accueil
Le rapport de CTJ ne mentionne pas la Suisse. Pourtant, à ce que l’on sait des pratiques cantonales dans notre pays en matière d’imposition des bénéfices réalisés à l’étranger, il ne fait pas de doute qu’une partie des milliards de bénéfices obtenus par des entreprises étrangères trouvent aussi chez nous une terre d’accueil fiscalement avantageuse. L’Union européenne s’est saisie du problème depuis quelques années et nous demande de cesser ces pratiques fiscales qu’elle considère comme déloyales.
Après avoir fait traîner en longueur l’Union européenne (il y a encore quelques années, le Conseil fédéral acceptait de «discuter» de ces questions, mais pas de «négocier»), des propositions concrètes ont commencé d’être transmises à Bruxelles, en précisant qu’il faudra bien compter cinq ou six ans avant qu’elles ne puissent être mises en application, compte tenu des procédures démocratiques en vigueur dans notre pays.
La patience européenne est manifestement plus grande que celle des Etats-Unis. Mais elle n’est pas non plus infinie. Nous sommes toujours très forts, en Suisse, pour appeler au respect de nos procédures démocratiques. Mais manifestement beaucoup moins lorsqu’il s’agit de mettre en pratique des règles du jeu plus loyales – de se conformer au respect de ce que, dans d’autres contextes, nous demandons: le same level playing field (DP 1997).
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