Le beau suspense que nous offre ces jours l’Amérique ! En comparaison, la course à la succession d’Adolf Ogi fait figure de promenade de santé. Les socialistes tentent bien de secouer la formule magique en proposant à leurs compères bourgeois un ménage à trois excluant l’UDC. Mais la démarche est si maladroite qu’on peut à juste titre soupçonner la social-démocratie de vouloir d’abord faire parler d’elle. Car la tactique politique ne peut se soustraire à une stricte chronologie : d’abord négocier dans les coulisses et assurer ses arrières avant de claironner ses exigences sous le feu des projecteurs. D’ailleurs radicaux et démocrates-chrétiens déclinent poliment l’invitation.
Il n’en faut pas plus pour susciter la déception, voire la colère, de commentateurs frustrés de voir gâchée l’occasion de mettre au placard une formule magique responsable d’un immobilisme insupportable. A quand donc un Conseil fédéral plus cohérent, des camps politiques plus tranchés, une polarisation des forces qui permettrait l’affrontement entre une coalition gouvernementale dotée d’un programme et une opposition ? Que citoyennes et citoyens sachent enfin à quel saint se vouer.
En politique, l’esprit de géométrie peut satisfaire le goût pour les schémas carrés et les institutions tracées au cordeau. Mais il conduit à des jeux de caisse à sable déconnectés de la réalité, en l’occurrence les problèmes collectifs qui demandent réponse. Bien sûr on peut imaginer un gouvernement de centre-gauche sans l’UDC, ou de centre-droit d’où les socialistes seraient absents. Mais avec quelles conséquences ? La formation exclue se livrerait alors à un travail de sape systématique par le biais du référendum. Les conservateurs, à la fin du 19e siècle, ont pratiqué avec succès cette stratégie, jusqu’à ce que leur adversaire radical leur fasse une place au Conseil fédéral. Le retour à un tel scénario rendrait plus difficile encore la prise de décision dont on dénonce la lenteur actuelle. Avec à terme le retour du mouton noir au bercail gouvernemental.
On rétorquera qu’aujourd’hui déjà l’UDC pratique une opposition musclée. C’est vrai. Mais les socialistes ne sont pas en reste. Et à l’occasion, les autres partis bourgeois eux-mêmes tâtent de la dissidence. Telle est la logique des institutions helvétiques. La recherche du consensus sans coalition stable. Et le peuple tranche en dernière instance. Dans ces conditions, il est vain de rêver à une alternance. A moins de supprimer les droits populaires.
La recherche d’une candidature molle pour succéder à Adolf Ogi relève elle aussi du jeu de bac à sable. La concordance ne peut s’édifier qu’avec des magistrats représentatifs, susceptibles de travailler collégialement et capables tout à la fois de relayer les idées de leur parti au sein du Conseil fédéral et de défendre les options de ce dernier devant leur parti. A cet égard la magistrature Ogi ne fut qu’une parenthèse qu’il faut maintenant refermer. JD
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