L’armée et la volonté de défense ont façonné l’identité helvétique. Mais, paradoxalement, au pays de la démocratie directe, le peuple n’a pas son mot à dire dans ce dossier. Certes le souverain a pu se prononcer sur la suppression de l’armée et l’achat de nouveaux avions de combat. Mais jamais sur la conception de la défense qui reste l’affaire des experts, beaucoup, et des autorités.
L’initiative socialiste, qui demande la réduction de moitié du budget militaire en dix ans, offre enfin la possibilité d’un tel débat. Car ce cadre financier contraignant impose de redéfinir la politique de défense.
En effet, le Conseil fédéral comme le Parlement peinent à intégrer la nouvelle donne internationale et européenne. Paralysés par une conception périmée de la neutralité, ils persistent à promouvoir une armée axée en priorité sur la défense du territoire Ð contre qui ? Ð au mépris des conditions actuelles et futures prévisibles. Voir par exemple le récent achat de 186 chars de grenadiers, dont la seule justification paraît être la protection du parc actuel de blindés, sans questionnement sur l’opportunité d’entretenir encore un tel parc.
En réalité la conception officielle de la défense, avec une progression prévue des dépenses, traduit un vaste mouvement de transfert des charges du secteur privé vers l’Etat. Les entreprises vont profiter de la réduction des effectifs et de l’introduction d’un service de longue durée. Mais, par contre, l’économie ne veut pas renoncer aux commandes du Département de la défense. Dès lors, on comprend mieux pourquoi Economiesuisse Ð nouvelle appellation du Vorort Ð dirige la campagne contre l’initiative.
L’initiative socialiste s’inscrit dans une tendance forte de réduction des budgets militaires, induite par la chute du mur de Berlin. La Suisse n’échappe d’ailleurs pas à cette tendance. Le budget actuel de la défense avoisine 5 milliards de francs contre 6,4 milliards en 1987. Pour atteindre l’objectif fixé par l’initiative, il faut encore amaigrir ce budget de 1,8 milliard en dix ans. Un objectif qui nous contraindrait enfin à penser notre défense dans un contexte européen, c’est-à-dire à renoncer à l’option mégalomane et irréaliste d’une sécurité en solitaire et à concrétiser cette
« sécurité par la coopération » prônée par le Conseil fédéral. Et à participer pleinement aux efforts de la communauté internationale en matière de maintien de la paix.
Les socialistes sont-ils conscients de l’enjeu ? En tout cas pas celles et ceux qui s’apprêtent à joindre leurs voix à celles de l’UDC et de l’ASIN pour combattre le possible envoi de soldats armés à l’étranger et qui, de ce fait, rendent un bien mauvais service à leur initiative. Antimilitariste et béatement pacifiste, cette dernière n’a aucune chance. JD
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