A mi-mars, la publication des résultats d’un sondage sur l’antisémitisme en Suisse a fait grand bruit. A l’analyse, la méthode utilisée montre des faiblesses qui fragilisent les conclusions de cette enquête.
L’information a fait les gros titres de la presse Ð l’antisémitisme en hausse, des chiffres inquiétants, plus d’un million d’antisémites en Suisse Ð et les commentateurs n’ont guère pris la peine d’analyser la démarche et les résultats. C’est à la revue Jüdische Rundschau qu’on doit les premières critiques : le taux d’antisémites en Suisse se situe entre 7,5 et 9%, une proportion constante depuis plusieurs années. En cause, les critères choisis par l’institut GfS, chargé du sondage et de son analyse. Considérer que les Juifs utilisent à leur profit le souvenir de la Shoa, qu’ils disposent d’une influence trop importante et qu’ils sont plus loyaux à l’égard d’Isra‘l que de la Suisse ne suffit pas à définir un antisémite. Sigi Feigel, président d’honneur de la communauté juive de Zurich, partage cette appréciation (Tages Anzeiger, 29 mars 2000) : il s’agit là de préjugés, voire de réserves à l’égard des Juifs et non d’une attitude hostile. Lui-même se souvient que, collégien à Lucerne, il trouvait que l’Eglise catholique y exerçait une trop grande influence ; il n’en a pas pour autant détesté les catholiques. L’important aux yeux de Sigi Feigel c’est qu’une écrasante majorité des personnes interrogées reconnaît la réalité de l’Holocauste ; il estime qu’on doit en perpétuer le souvenir, à l’école notamment.
Peter Atteslander, un sociologue suisse qui a fait toute sa carrière en Allemagne, rappelle que, quelles que soient les sociétés, les individus ont toujours vécu avec des préjugés (Neue Zürcher Zeitung, 31 mars). Il s’agit là d’une manière de se prémunir contre l’inconnu et de renforcer la solidarité du groupe. Il y a plus d’un demi-siècle, un chercheur a même découvert dans la population américaine des préjugés négatifs à l’égard d’un peuple fictif. Il ne suffit donc pas de déceler des préjugés mais encore faut-il comprendre dans quel contexte ils se développent et quelle signification ils prennent dans la vie quotidienne.
A confondre l’expression d’idées reçues avec l’antisémitisme, on ne rend pas service à la lutte nécessaire contre toutes les formes de racisme. jd
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