
L’économie suisse se porte mieux que celle de nos voisins. Pour entretenir sa santé, elle engage toujours plus de main-d’œuvre européenne. Le dernier Bulletin Immigration de l’Office fédéral des migrations enregistre pour 2012 une progression de 4,6% des permis de séjour de travailleurs en provenance des dix-sept pays de l’ancienne Europe.
Si la tendance constante de l’augmentation des premiers mois de l’année se confirme en 2013, le chiffre permettant à la Suisse d’actionner la clause de sauvegarde pour les dix-sept sera atteint. Berne l’a fait en avril dernier à l’égard des huit pays européens de l’Est (DP 1952), entraînant une vive protestation de Bruxelles qui ne peut accepter une discrimination entre les 27 pays membres.
Mais le Conseil fédéral évitera probablement de faire une nouvelle gaffe. En charge du dossier, Didier Burkhalter l’a affirmé clairement devant l’assemblée du PLR. Une mesure de sauvegarde, limitée selon les accords à une seule année, serait pour lui sans effet. On ne peut imaginer que le prudent chef de notre diplomatie s’engage si ouvertement sans avoir la conviction d’être soutenu par la majorité du collège gouvernemental. Et pourtant, cette fois-ci, l’activation de la clause de sauvegarde serait conforme à l’accord sur la libre circulation et respecterait l’égalité de traitement puisqu’elle serait appliquée, sans discrimination, à l’ensemble des pays membres. L’ambassadeur de l’Union à Berne l’a d’ailleurs confirmé.
Le Conseil fédéral a donc changé son fusil d’épaule, et ceci pour plusieurs raisons.
Persuadé que la libre circulation est clairement favorable à la Suisse, il est déterminé à en faire bénéficier la Croatie. Mais il sait qu’il devra convaincre le peuple suisse d’accepter l’extension de l’accord au nouveau membre de l’Union et de refuser l’initiative de l’UDC sur l’immigration de masse incompatible avec ledit accord. Il serait alors schizophrénique de brandir la menace d’une immigration dommageable à l’économie en activant la mesure de sauvegarde, tout en vantant les bienfaits de la libre circulation. Le Conseil fédéral devrait expliquer pourquoi il faudrait, avec la clause de sauvegarde, prendre une mesure de limitation de l’immigration pour une petite année et préconiser dans le même temps son extension sur le long terme.
Le Conseil fédéral sait aussi que le Parlement a pris de vigoureuses mesures d’accompagnement à la libre circulation (DP 1979). Il présente cette décision comme un moyen efficace pour lutter contre la sous-enchère salariale, préférable à un bref coup de frein à l’immigration.
Enfin, et si l’on suit les récentes déclarations de Didier Burkhalter, le Conseil fédéral appuie ceux qui, à gauche et ailleurs, demandent une adaptation des infrastructures à la prospérité économique favorisée par la main-d’œuvre européenne. Reste pour cela à trouver des majorités parlementaires.
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