
Quand il s’agit des prérogatives cantonales et des intérêts économiques en matière d’aménagement du territoire, il vaut mieux paraître se contredire que fondamentalement se dédire. C’est en tout cas l’avis de Pascal Broulis, conseiller d’Etat vaudois en charge des finances et des relations extérieures.
En sa qualité de président de la Conférence des gouvernements cantonaux, il signe la version remaniée du Projet de territoire Suisse (PTS) parue en décembre dernier, pour ensuite, dans Le Matin Dimanche du 6 janvier 2013, écrire toute l’aversion et les craintes que lui inspire ce projet centralisateur, générateur d’arbitraire, «étranger au terrain démocratique» de ce pays où «il ne peut prétendre s’imposer».
Certes, Pascal Broulis est bien placé pour éviter la confusion faite encore récemment par l’un des directeurs du Centre patronal vaudois. Par simple égarement idéologique ou volonté de désinformation, Jean-Hugues Busslinger attaquait une ancienne version du PTS, établie en novembre 2010 en vue de la «consultation tripartite» auprès des associations représentatives des cantons et des collectivités locales. Ces organisations ont obtenu un sensible assouplissement du projet, de sorte que la version remaniée a été approuvée entre septembre et décembre dernier par le Conseil fédéral, la Conférence des gouvernements cantonaux, l’Union des villes suisses et l’Association des communes suisses.
Mais, en bon Vaudois et en grand argentier cantonal, Pascal Broulis reste méfiant. Il observe que le Secrétariat d’Etat à l’économie (seco) veut prendre en compte les objectifs et stratégies du Projet de territoire Suisse pour la définition des futures zones d’allègements fiscaux. De manière générale, la Berne fédérale risque d’appliquer le critère de conformité au PTS à tous les projets d’aménagements territoriaux et d’infrastructures lourdes. Par ailleurs, les fonds – fédéraux notamment – pourraient manquer pour mener de front le développement des agglomérations, de la mobilité, des équipements collectifs, des collaborations transfrontalières, etc. Or, aujourd’hui déjà la situation financière des villes vaudoises s’avère préoccupante.
Autant dire que le Projet de territoire Suisse, dont l’histoire remonte à une dizaine d’années et la première version à 2005 (DP 1822), ne fait pas encore l’unanimité, surtout pas dans les chaumières fédéralistes, particulièrement nombreuses en Valais, en Pays de Vaud et dans les Rhodes-Intérieures appenzelloises.
Dans la perspective lointaine d’un PTS enfin mis en œuvre, un pas devrait être franchi le 3 mars prochain avec l’approbation en votation référendaire de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, révisée sous la pression de l’initiative populaire pour le paysage, conditionnellement retirée. Mais là aussi, rien n’est acquis.
Diable, il s’agit de rente foncière (DP 1970), de zones à bâtir, de plans directeurs à réviser périodiquement. Et là, l’idéologie, les intérêts privés et les besoins collectifs forment un mélange explosif.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!