Non, l’Europe ne se cache pas dans la réforme de la Constitution fédérale.
Au contraire, c’est à la suite d’une adhésion à l’Union européenne que la Suisse pourra discuter d’une réforme intérieure.
La campagne référendaire sur la réforme de la Constitution fédérale fut pratiquement inexistante et le taux de participation décevant. La courte majorité des cantons favorables au projet a surpris. Une proposition plus novatrice abordant tout à la fois la réforme du gouvernement et des droits populaires, présentant une nouvelle répartition des compétences entre cantons et Confédération et introduisant un contrôle de constitutionnalité des lois aurait-elle reçu un meilleur accueil ? Roger Nordmann semble le croire (DP 1383, L’exemple à ne pas suivre). Il y aurait eu débat et affrontement, donc mobilisation, affirme-t-il. Et la Suisse se serait retrouvée constitutionnellement armée pour adhérer à l’Europe.
Rien n’est moins sûr. La réforme proposée a suscité le réflexe classique de la peur du changement et non l’antipathie à l’égard d’un consensus mou. La reformulation d’un texte plus que centenaire et l’explicitation de droits fondamentaux non écrits ont donc suffi à provoquer l’inquiétude d’une partie importante de la population. Il est illusoire de penser qu’un projet réellement novateur eût rencontré un plus large soutien. Bien au contraire, les oppositions de tous bords se seraient conjuguées pour le rejeter. La démocratie directe ne tolère guère les grandes visions et les innovations fracassantes que peuvent parfois se permettre les gouvernements assurés d’une majorité parlementaire disciplinée et d’une relative liberté d’action, le temps d’une législature. En Suisse, les citoyennes et les citoyens réagissent avec circonspection ; ils n’avancent qu’à pas comptés, vérifiant la solidité du terrain. Voyez la politique de la drogue : il a fallu le Platzspitz et le Letten pour que l’opinion accepte, à titre expérimental, la distribution contrôlée d’héroïne ; mais cette opinion ne s’est laissé séduire ni par la répression ni par la libéralisation.
Ë l’évidence, l’adhésion de la Suisse à l’UE nous imposera des adaptations institutionnelles. Mais rien ne serait plus dangereux que de les anticiper ; la cause de l’adhésion s’en trouverait gravement compromise. Une fois membre à part entière, les difficultés auxquelles nous serons alors confrontés nous dicteront la réforme intérieure.
Cela dit, rien n’empêche le constituant vaudois d’innover. Il n’a pas à maîtriser l’enjeu européen ni à préserver le délicat équilibre fédéral. jd
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