
La Suisse vient d’adapter sa loi sur les placements collectifs de capitaux aux normes européennes. Le Parlement en a profité pour créer quelques niches fiscales, au prétexte de préserver l’attractivité de la place financière helvétique.
Le dossier n’a pas fait les gros titres: la matière est trop technique et n’intéresse que les spécialistes. Pourquoi réviser une loi qui date d’à peine cinq ans? Parce qu’une directive de l’Union européenne pose de nouvelles exigences aux gestionnaires de fortune, notamment pour mieux protéger les épargnants. Des exigences que la Suisse doit respecter pour garantir l’accès des gestionnaires helvétiques au marché européen. Une nouvelle illustration de la course-poursuite qu’exige la reprise «autonome» du droit européen.
Le projet présenté par le Conseil fédéral tentait un délicat équilibre entre les intérêts de la place financière et ceux des investisseurs. La conseillère fédérale Widmer-Schlumpf, appuyée par la gauche et quelques députés du centre, a vainement tenté de préserver cet équilibre face à une majorité bourgeoise visiblement plus sensible aux arguments de la branche.
Cette majorité a systématiquement affaibli les règles de gestion et de surveillance des fonds. Elle a même adopté une définition très large du fonds de placement. Alors que ce genre de fonds doit permettre à plusieurs épargnants de placer collectivement leur argent, cette majorité a décidé qu’un fonds pouvait à l’avenir gérer l’argent d’un seul et unique investisseur (article 7). Ainsi une personne fortunée pourra créer son propre fonds; de même une entreprise qui sera autorisée à transférer et à gérer son capital dans un fonds spécifique. Quand on sait que les fonds de placement bénéficient d’un traitement fiscal privilégié, on saisit que le Parlement a créé une niche fiscale, ce que n’a pas manqué de dénoncer la présidente de la Confédération.
On comprend d’autant moins que les députés socialistes, qui ont défendu d’arrache-pied le projet du gouvernement, se soient ralliés à ce texte au vote final.
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