Le résultat relativement modeste enregistré par Ruth Dreifuss lors de son élection à la présidence de la Confédération n’étonne guère. La magistrate socialiste paie encore pour les circonstances de son accession au gouvernement en mars 1993. Nombre de députés n’ont visiblement pas encore digéré l’irruption de cette intruse dans le petit monde clos de la politique fédérale.
On peut bien sûr regretter que l’avènement de la première femme à cette charge honorifique n’ait pas été l’occasion, le temps d’une élection, de faire taire les inimitiés partisanes. Mais on se consolera en interprétant comme un honneur pour Ruth Dreifuss le fait de ne pas avoir obtenu le soutien des députés automobilistes et des têtes de béton de la droite réactionnaire.
Plus fondamentalement, la prestation mesquine du Parlement met en lumière les limites d’une procédure et surtout d’une pratique instaurée dès la fin du siècle passé. Car la Constitution dispose simplement que le président et le vice-président sont élus pour une année par l’Assemblée fédérale, qu’ils ne sont pas rééligibles immédiatement et que le président sortant ne peut accéder à la vice-présidence. Des règles qui expriment à coup sûr la crainte de l’homme fort.
Jusqu’en 1887, tous les conseillers fédéraux ne devenaient pas président, « mais ceux-là seuls qui avaient les qualités de véritables hommes d’État » (Jean-François Aubert, Traité de droit constitutionnel, n°1500). D’ailleurs le président dirigeait d’office les affaires étrangères, ce qui provoquait de fréquentes rocades à la tête des départements et nuisait à la cohérence de la politique extérieure.
Depuis lors, la pratique s’est instaurée d’une rotation selon la règle de l’ancienneté. Tout membre du collège en prend donc la direction au plus tard six ans après son entrée au gouvernement. Dès lors l’élection par l’Assemblée fédérale n’a plus de sens. Le seul choix qui reste aux députés est d’exprimer insatisfaction ou inimitié, confortablement protégés par l’anonymat puisque le scrutin se déroule à bulletin secret.
Leur éventuelle opposition, les parlementaires peuvent l’exprimer tous les quatre ans, à l’occasion de l’élection des membres du Conseil fédéral. Dans ces conditions, mieux vaudrait abandonner la désignation à la présidence au collège lui-même. jd
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