
Le Parlement va allouer 13,6 milliards de francs au financement de la politique agricole de 2014 à 2017. Pour chacune de ces quatre années, on mettra en gros le prix de 25 Gripen.
La dépense n’est pratiquement pas contestée. economiesuisse a bien proposé d’en couper presque un tiers en renonçant aux paiements directs pour la sécurité de l’approvisionnement, versements calculés selon la surface de l’exploitation. Mais, sur ce dossier, economiesuisse ne fait pas le poids face au lobby agricole. Aucun parlementaire n’a repris cette proposition iconoclaste en vue du débat qui s’ouvre le 19 septembre au Conseil national.
L’enveloppe budgétaire proposée par le Conseil fédéral, dans sa révision de la loi sur l’agriculture, n’a rien d’exceptionnel. Elle est identique à celle de la période quadriennale en cours. Ceci dit, hormis son coût inchangé, le projet n’est pas un exercice de routine.
La première réforme touche les éleveurs. Actuellement, ils reçoivent une contribution pour chaque tête de bétail, quelle que soit la surface de leur exploitation. Ils peuvent avoir un gros troupeau pratiquement «hors sol», nourri avec du fourrage importé. Le projet, pour faire court, entend calculer la contribution en fonction de la surface herbagère disponible nécessaire à la nourriture des bovins. Ce sera le point central du débat. Les propositions des défenseurs des agriculteurs se bousculent pour que les contributions puissent grandir avec l’effectif du troupeau, même si la surface de référence est insuffisante. Et comme il n’est pas question d’augmenter l’enveloppe budgétaire, les montants nécessaires seraient pris sur les paiements de nature écologique.
Autre point fort du débat: l’organisation du marché du lait. La disparition en 2009 du contingentement laitier a provoqué une augmentation de la production. La forte chute des prix qui en est résultée représente aujourd’hui la préoccupation majeure des paysans. Le Conseil fédéral n’entend pas revenir en arrière ni réguler lui-même le marché laitier. Les acteurs sur le terrain prennent la responsabilité de s’en occuper. L’interprofession du secteur laitier, du paysan au distributeur, fixe les règles de l’achat et de la vente du lait. C’est le système en vigueur actuellement. Il est confirmé par la réforme actuelle, la Confédération se bornant à accorder la force obligatoire à cette réglementation privée. C’est la copie conforme de ce qui se passe avec les conventions collectives de travail entre patrons et syndicats. Mais le système fonctionne mal. Divisés, les paysans ne font pas le poids face aux transformateurs et aux grands distributeurs. Les agriculteurs vont donc demander une intervention plus directe de l’Etat. C’est par voie d’ordonnance que le Conseil fédéral règlerait les contrats d’achat de lait.
D’autres escarmouches animeront certainement le débat. Les agriculteurs refuseront que les paiements directs soient versés exclusivement aux chefs d’exploitation au bénéfice d’une formation professionnelle. Les représentants des PME voudraient encadrer l’agritourisme et autres activités accessoires des paysans. La gauche de l’hémicycle, généralement satisfaite du projet, demandera moins de fumure et davantage de protection des eaux, ainsi que la création d’un label social pour les produits agricoles, en plus du label écologique.
Mais l’affaire paraît dans le sac. Le projet gouvernemental, voie moyenne entre agriculture productiviste et écologique (DP 1942), recevra l’aval du Parlement.
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