
C’est un cube aux mécanismes plus subtils que ceux d’une montre de grande complication, breveté par les banques suisses ayant le pouvoir de prélever l’impôt tout en garantissant le secret bancaire, que la présidente de la Confédération a offert, dans sa version anglaise, au président de la Commission européenne qui le reçut comme une attention plus incongrue qu’un couteau suisse.
Que se sont-ils dit? La conférence de presse apporte aux journalistes ce qu’ils savent déjà. José Manuel Barroso insista sur la recherche nécessaire d’une forme de partenariat qui permettrait à la Suisse d’adopter le droit communautaire et de suivre son évolution tout en obtenant des garanties quant à son application, surveillée par des instances d’arbitrage nécessaires. Eveline Widmer-Schlumpf, de son côté, annonça du «nouveau» pour l’automne.
On ne peut se contenter de cet échange à la fois formel et brouillon. Car il mélange des problèmes litigieux de nature différente, et fausse la recherche d’une solution selon une méthode correcte.
Le contentieux avec l’Europe porte sur deux points fondamentaux:
- la fiscalité, et notamment le secret bancaire et l’imposition des personnes morales par les cantons;
- la forme institutionnelle que pourrait revêtir un partenariat permettant de faire l’économie de négociations bilatérales à tout coup.
La fiscalité qui, rappelons-le, ne fait pas partie des compétences de l’Union, sauf si ses membres sont unanimes, n’est pas un sujet négociable. Le Conseil fédéral l’a déclaré d’emblée avec pertinence, tout en se disant prêt à prendre note des observations et doléances de l’UE.
De cette réaffirmation de notre souveraineté en la matière découlent deux obligations. La première, d’examiner si nous respectons la règle de la loyauté. Le constat révèle, à nos yeux, à l’évidence que la loi sur l’harmonisation fiscale laisse aux cantons une liberté dont ils abusent. La deuxième exigence est d’entreprendre nous-mêmes, immédiatement, les travaux correctifs.
En revanche, la recherche institutionnelle impliquera des négociations serrées, utiles à l’UE aussi, elle qui doit réfléchir à son extension et à sa mue.
Une chose manque toutefois au Conseil fédéral: l’appui déclaré de citoyens responsables dans l’économie, les partis, les cantons. Il n’y a pas de contrepoids aux nationalistes qui font de leur refus antieuropéen leur fonds de commerce. Et même nos négociateurs utilisent cette opposition pour obtenir des concessions. Ne provoquons pas les référendaires, disent-ils.
On doit s’étonner encore que nos rapports avec l’Union européenne n’aient fait l’objet d’aucun débat lors des dernières élections fédérales. Les socialistes, par exemple, devenus plus critiques, auraient pu dire leurs préoccupations sur le rôle dans l’Union des services publics.
Lors de la préparation de l’Espace économique européen, pendant la négociation et avant le vote s’observait toute une effervescence. Par exemple, la coexistence du droit communautaire et de la démocratie directe fut approfondie dans des travaux remarquables. Chaque branche économique en évaluait les effets sur son secteur.
Aujourd’hui l’enthousiasme n’est plus là, spontané. Mais la situation exige un engagement sans réserve. Le repositionnement est historique, celui qui correspond à notre place dans l’Europe, celui des relations confédérales.
Qu’on s’y mette sans tarder, bientôt Rubik ne sera plus qu’un jouet cassé.
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