
L’extrême pauvreté a baissé de moitié en vingt ans. C’est la Banque mondiale qui l’affirme, chiffres à l’appui. Et cette évolution positive ne s’observe pas qu’en Asie, favorisée par la forte croissance de l’économie chinoise, mais sur tous les continents. Ainsi l’un des «Objectifs du Millénaire» – réduire de moitié l’extrême pauvreté d’ici 2015 dans les pays en développement – aurait déjà été atteint, notamment grâce à une croissance économique soutenue.
L’extrême pauvreté commence avec un revenu quotidien inférieur à 1,25 dollar. Et c’est bien dans cette traduction monétaire de la pauvreté que réside la difficulté. Commentant cette information sur le site InfoSperber, Urs P. Gasche rappelle que bon nombre des habitants les plus pauvres de la planète ne pratiquent pas ou marginalement seulement une économie monétaire. Ils ne disposent pas d’argent pour couvrir leurs besoins de base; ils cultivent ce qu’ils mangent, construisent leur logement et fabriquent leurs habits. Pour le surplus, ils pratiquent le troc.
Cette autosuffisance de bas niveau serait mise en danger par l’économie globalisée, accusait en 1988 déjà l’économiste britannique Teddy Goldsmith, en pointant du doigt la croissance économique, selon lui cause première de la pauvreté. Le paradoxe n’est qu’apparent. Dans la mesure où les sols fertiles sont de plus en plus consacrés à l’agriculture d’exportation, les paysans deviennent travailleurs agricoles, manœuvres ou chômeurs dans les centres urbains et donc dépendants d’un revenu monétaire. Par ailleurs le PIB par habitant n’est de loin pas toujours corrélé avec l’indice de développement humain.
Dirigisme économique ou libre marché, accroissement de l’aide publique au développement ou désengagement des pays riches: on connaît les grandes alternatives qui opposent les experts de la lutte contre la pauvreté.
Si vous êtes lassés de ces disputes qui relèvent d’abord du débat idéologique, vous apprécierez le dernier ouvrage d’Esther Duflo en collaboration avec Abhijit Banerjee. Loin des partis pris et des généralisations abusives, les auteurs affrontent la pauvreté sur le terrain. Avant de proposer des remèdes, ils cherchent à comprendre le comportement des pauvres, leurs motivations.
Leur laboratoire d’action contre la pauvreté à Boston dispose de succursales sur tous les continents, d’où sont menées des enquêtes de proximité, expérimentées et évaluées des solutions. Non pas d’ambitieux et coûteux programmes, mais des mesures simples et efficaces parce qu’elles prennent en compte les besoins exprimés par les bénéficiaires: «Si nous refusons de céder à la pensée paresseuse et stéréotypée qui consiste à réduire tous les problèmes à un ensemble de principes généraux, si nous prêtons l’oreille à ce que les pauvres ont à nous dire et si nous nous efforçons de comprendre la logique de leurs choix, si nous acceptons l’éventualité de l’erreur et si nous soumettons toutes les idées, y compris celles qui semblent de bon sens, à une évaluation empirique rigoureuse, alors nous pourrons non seulement constituer une boîte à outils de politiques efficaces mais également mieux comprendre les façons de vivre des pauvres».
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!