
Après son soutien à la sortie du nucléaire, Eveline Widmer–Schlumpf veut introduire une fiscalité écologique. Le Conseil fédéral charge son département de creuser le dossier.
La sortie progressive du nucléaire et la lutte contre le réchauffement climatique imposent un changement de comportement des individus et des entreprises dans l’utilisation de l’énergie. La fiscalité peut y contribuer. Selon la doctrine libérale, l’impôt doit être neutre et se limiter à alimenter les caisses publiques. Pour se conformer à cette stricte conception, les services de Widmer-Schlumpf nous expliquent que les prix de l’énergie ne couvrent pas les coûts externes, ceux la pollution de l’environnement et des risques d’accidents nucléaires. Les taxes environnementales ont une fonction correctrices. Elles visent à fixer le coût réel de l’énergie. L’Etat ne dirige donc pas les comportements. Il rétablit le marché.
Ce discours idéologique pour amadouer les libéraux orthodoxes ne suffit pas. Il faut rassurer tous azimuts. La réforme ne doit ni augmenter ni diminuer les recettes de l’Etat. Elle doit éviter de redistribuer le poids de l’impôt. Comme la hausse du prix de l’énergie érodera le revenu des ménages modestes et alourdira les coûts des entreprises, il faudra apporter des compensations.
Trois initiatives populaires émanant des socialistes, des Verts et des Verts libéraux demandent une réforme fondamentale de la fiscalité. Le Conseil fédéral en a posé les grande principes. Reste à les appliquer. Et c’est là que les difficultés commencent.
L’initiative des Verts libéraux n’y va pas par quatre chemins. Une taxe sur les énergies non renouvelables devrait remplacer la TVA qui procure un tiers des recettes fédérales. Pour compenser cette perte, la nouvelle taxe devrait donc rapporter au moins 20 milliards chaque année. Massive, donc dissuasive, elle entraînerait une réduction de la consommation des énergies «sales», donc une baisse des recettes fiscales. Pour garder l’équilibre budgétaire, il faudrait augmenter la taxe jusqu’à un niveau absurde ou reconstruire la TVA abandonnée! On voit, par cet exemple extrême, la difficulté de concilier les taxes d’orientation dissuasives et le maintien des recettes de l’Etat. Pour y parvenir, il faut périodiquement adapter à la hausse le taux des autres impôts: mission combien difficile en Suisse.
Autre exigence du Conseil fédéral pour une réforme fiscale écologique, l’ensemble des ménages et les entreprises ne devraient pas payer plus d’impôts, mais d’autres impôts. Or les ménages, tout comme les entreprises, ont des situations fort diverses. Il sera techniquement et politiquement difficile d’adapter équitablement le système.
La fiscalité verte est une belle idée novatrice. Mais le diable est dans le détail. La bataille que veut entamer Eveline Widmer-Schlumpf sera rude.
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