
A l’aune de son taux de chômage, de sa balance commerciale et de ses finances publiques, la Suisse pourrait être tentée par l’autosatisfaction, teintée même d’une légère condescendance à l’égard de ses voisins. A tort. Car notre pays porte une part de responsabilité dans le mauvais état de santé de l’économie mondiale et il n’échappera pas à la contagion.
La situation encore favorable de la Suisse en comparaison internationale et particulièrement européenne nourrit les fantasmes isolationnistes de l’UDC. Qu’on est bien chez soi! Continuons de soigner nos vertus d’épargne et d’assiduité au travail et tout ira bien. Nous avons bien quelques soucis avec le franc fort qui risque de nous coûter des places de travail. Mais, comme le préconisait déjà Nicolas de Flüe, évitons de nous mêler des affaires des autres. Le constat est bien sûr fallacieux. La richesse de la Suisse repose en grande partie sur ses exportations. Et si nos clients s’appauvrissent, nous nous appauvrirons avec eux.
Cette richesse provient aussi du flux de capitaux qui trouvent refuge à l’abri de nos frontières, notamment en raison d’une fiscalité allégée. Sur son site Internet, l’organisme de promotion économique de Zurich – Greater Zurich Area – ne s’en cache pas: si l’impôt sur le bénéfice des firmes étrangères varie de 15 à 25%, il peut être négocié jusqu’à moins de 8%.
Répercutant une étude du Greenlining Institute de Berkeley, le quotidien Tages-Anzeiger (15.10) révèle que deux tiers des bénéfices engrangés à l’étranger par les entreprises américaines sont déposés dans sept paradis fiscaux. Au total 2’260 milliards de dollars, dont 296 en Suisse, qui se place au quatrième rang, derrière les Iles Cayman, le Luxembourg et l’Irlande (situation en 2004). Et lorsqu’en 2004 les Etats-Unis décident d’une amnistie fiscale, ces entreprises rapatrient leurs profits qui sont alors taxés à un taux de 5,3%, économisant au passage 92 milliards par rapport au taux d’imposition «normal». Un an plus tard, elles ont à nouveau déplacé leurs avoirs à l’étranger.
A titre d’exemple, la multinationale pharmaceutique Lilly a déclaré 9,5 milliards de bénéfices réalisés hors des USA, la plus grande partie par une filiale helvétique de 86 employés. Après avoir bénéficié d’une imposition réduite aux Etats-Unis, Lilly a continué à amasser des profits à l’étranger à hauteur de 19,9 milliards. Dans le même temps, le gouvernement américain propose un programme de création d’emplois à coups de centaines de milliards financé par le budget que ses propres entreprises se refusent à alimenter, à la faveur de la sous-enchère à laquelle se livrent les paradis fiscaux.
La concurrence fiscale devrait stimuler l’économie, prétendent les théoriciens du libéralisme. En l’occurrence, elle approfondit les déséquilibres financiers entre les collectivités publiques et à long terme les affaiblit toutes. Et elle ne profite qu’aux entreprises assises sur des profits stériles puisqu’ils ne créent pas d’emplois.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!