
La présidente de la Confédération ne manque pas de culot. Elle ose affirmer sans ciller que grâce à Rubik (DP 1853) – cette technique de prélèvement fiscal qui sert de modèle aux accords sur la taxation des avoirs de résidents européens déposés en Suisse -, notre pays contribue à la stabilisation de la situation économique en Europe.
Devant la commission des affaires étrangères du Parlement européen, Micheline Calmy-Rey a évoqué le rôle positif de la Suisse qui, par le biais du Fonds monétaire international et de la Banque nationale, participe à l’effort commun de stabilisation de l’économie en Europe. Et d’ajouter que ce rôle pourrait croître grâce à Rubik. L’argent ainsi récolté soulagerait les Etats en difficulté. De ce fait, la Suisse n’apparaîtrait pas comme une partie du problème, mais comme une partie de la solution à la crise. Notre pays est d’ailleurs prêt à négocier un tel accord avec la Grèce si mal en point, a ajouté la présidente de la Confédération.
La Suisse a favorisé durant des décennies l’évasion fiscale grâce à la protection du secret bancaire, causant un indéniable tort financier aux pays ainsi spoliés, en particulier ses voisins directs. Et voilà qu’elle se prétend soudain solidaire de ces mêmes voisins en leur retournant une très modeste partie des ressources qu’elle a contribué à détourner. Il faut oser!
Pourtant la satisfaction helvétique pourrait n’être que de courte durée, comme le souligne Rudolf Strahm dans une récente tribune (Tages-Anzeiger, 11.10.2011).Prenons l’exemple de l’Allemagne. Afin de régulariser la situation des contribuables allemands fraudeurs, les banques suisses devront prélever un impôt de 19 à 34% sur leurs avoirs déposés au cours des dix dernières années. La somme théorique à restituer à notre voisin d’outre Rhin pourrait atteindre 20 à 30 milliards de francs. Théoriquement, car l’accord stipule que l’impôt ne peut être prélevé que si les avoirs sont encore déposés dans une banque suisse cinq mois après son entrée en vigueur, à savoir le 1er janvier 2013. Les intéressés disposent donc d’un délai d’un an et demi pour transférer leurs comptes dans d’autres pays ou les confier à un discret gérant de fortune et ne pas payer un sou au fisc allemand.
Les négociateurs suisses ont obtenu que les banques garantissent un versement minimum de 4 milliards et communiquent une statistique des mouvements de capitaux allemands vers l’étranger. Si une majorité de fraudeurs persistent à fuir le fisc allemand, Berlin fera-t-il le deuil du minimum de 15 milliards attendus de cet accord? L’habileté de la diplomatie helvétique dans les négociations avec l’Allemagne pourrait alors se révéler vaine. La réputation de la Suisse s’en trouverait une nouvelle fois ternie et l’exigence européenne d’un échange automatique des informations fiscales renforcée.
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