
Le Parlement vient enfin d’ancrer les réseaux de soins intégrés dans la loi sur l’assurance-maladie (LAMal). Si le projet n’est pas parfait, il constitue un progrès dans l’assurance des soins ambulatoires.
Il aura fallu sept ans au Parlement pour mettre sous toit une révision dont on attend tout à la fois une meilleure efficacité des soins et une efficience accrue. Un réseau de soins intégrés regroupe des soignants qui s’associent pour coordonner la couverture des soins. Le patient est suivi par un médecin généraliste qui, le cas échéant, le dirige vers un spécialiste ou un hôpital. La collaboration instituée entre les soignants du réseau permet un meilleur diagnostic et évite le tourisme thérapeutique, donc les doublons et les coûts qu’ils engendrent.
Cette révision n’a abouti qu’avec peine parce que tous les acteurs de la santé y ont perdu des plumes. Les assureurs tout d’abord. Ils souhaitaient créer leurs propres réseaux. Tel ne sera pas le cas. Ils devront négocier des contrats avec des réseaux indépendants. C’est une brèche importante dans la toute puissance des caisses. Les médecins ensuite. Les spécialistes n’auront plus un accès direct aux patients qui passeront par le filtre de leur médecin généraliste. Les patients enfin qui ne bénéficieront plus du libre choix absolu de leur thérapeute. Il faut toutefois relativiser cette limitation. Les réseaux regroupent des dizaines, voire des centaines de soignants. Les avantages financiers offerts par les réseaux – primes et quote-part inférieures à celles des assurés hors réseaux – inciteront les assurés à choisir cette forme d’assurance et les soignants auront donc intérêt à rejoindre des réseaux.
A gauche, on soupçonne cette réforme d’ouvrir la voie à une médecine à deux vitesses et on dénonce son caractère anti-social puisque la quote-part à la charge des assurés hors réseau passera à 15% avec un plafond de 1000 francs, contre 10% avec un plafond de 700 francs pour les assurés en réseau. La première critique est infondée. Le suivi du patient au sein d’un réseau ne peut qu’améliorer la qualité des soins, comme le montrent les expériences déjà réalisées. Quant au surcoût imputé aux assurés hors réseau, il reste modéré, trop même si l’on vise à convaincre une majorité d’assurés de s’affilier à un réseau. A noter que ce surcoût ne touchera pas les assurés domiciliés dans des régions ne disposant pas d’un réseau.
Reste que le réseautage des soins n’est pas immunisé contre une dérive économique. Les réseaux négocieront chaque année un budget global en fonction du nombre d’assurés et de leur profil de risques. Pour ne pas dépasser cette enveloppe, les réseaux pourraient être tentés de rationner les soins, par exemple en retardant le recours à un spécialiste. Mais les réseaux minimalistes pourraient rapidement perdre leur clientèle. Néanmoins cette révision devra faire l’objet d’un suivi attentif et d’une évaluation serrée.
La loi adoptée le 30 septembre dernier résulte d’un compromis élaboré dans la douleur. Elle améliore substantiellement le projet du Conseil fédéral, notamment en interdisant aux caisses de créer leurs propres réseaux. Si les médecins généralistes la soutiennent – elles revalorisent la profession -, les spécialistes s’y opposent farouchement par crainte de perdre une partie de leur clientèle. A la suite d’une consultation interne, la FMH annonce le lancement d’un référendum, un désaveu pour sa direction qui a activement collaboré au compromis. On comprend plus difficilement la position des socialistes qui ont majoritairement lâché le projet dans la dernière phase du processus et qui maintenant flirtent avec l’idée d’un référendum.
Un échec de la révision reporterait de plusieurs années une solution qui n’a que trop tardé, une solution qui pourrait contribuer à alléger les primes dont par ailleurs le PS ne cesse à juste titre de dénoncer le poids dans le budget des ménages à bas et moyen revenu.
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