
Les soubresauts monétaires actuels ont relégué à l’arrière plan la révision en cours de la réglementation bancaire. Une fois de plus la gestion des effets focalise toute l’attention au détriment de l’analyse des moyens aptes à traiter les causes du problème.
Car c’est bien la prise de risque inconsidérée des banques qui a provoqué la crise financière et économique, l’intervention massive des Etats et leur endettement. Et cet endettement provoque maintenant la méfiance des investisseurs qui se réfugient dans les monnaies considérées comme sûres.
Le Conseil des Etats a adopté en gros le plan de bataille présenté par le Conseil fédéral pour résoudre le problème dit des banques trop grandes pour faire faillite («too big to fail»). Ce projet, bien que très insuffisant (DP 1896), a suscité l’ire d’UBS et l’on peut craindre que le Conseil national ne succombe aux pressions du lobby bancaire.
Répétons-le. Le niveau des fonds propres exigé par le projet – plus élevé que le standard édicté par la Banque des règlements internationaux (Bâle III) – ne doit pas faire illusion. Ce niveau est calculé par rapport aux actifs à risques, évalués par les banques elles-mêmes, et non à la somme du bilan, une référence claire et contrôlable. D’ailleurs comment évaluer ces millions de papiers-valeur dont la cotation peut varier d’un jour à l’autre?
La régulation par le niveau des fonds propres repose sur une hypothèse hasardeuse. Un capital-actions bien fourni pourra certes sauver un établissement en difficulté. Mais à condition que l’environnement financier reste sain. En cas de crise générale, l’effondrement des cours réduira les fonds propres à peu de chose.
Si l’urgence commande d’adopter sans tarder la révision de la loi sur les banques telle que proposée par le gouvernement, une nouvelle étape dans le contrôle du système bancaire s’impose. Si elle veut éviter une crise majeure, la Suisse ne pourra tolérer plus longtemps l’emprise des deux grandes banques universelles sur son économie. Elle exigera, comme les Etats-Unis de 1933 à 1993 avec le Glass-Steagall Act, la séparation des banques commerciales et des banques d’affaires. Didier Sornette, expert en analyse des risques à l’EPFZ, estime même que sans Credit Suisse et UBS, la Suisse disposerait de la plus solide place financière de la planète (Das Magazin, 16/2011).
Enfin il faut restituer à la Confédération et à la Banque nationale la compétence exclusive de créer la monnaie. Si la Constitution leur confère bien cette compétence (art. 99), près de 85% de la masse monétaire – la monnaie scripturale – résulte des crédits octroyés par les banques. En corrigeant cela, la masse monétaire serait proportionnée aux besoins de l’économie et n’alimenterait plus la spéculation.
L’économiste américain et prix Nobel Paul Krugman a rappelé qu’avant la déréglementation financière, l’activité bancaire était la plus ennuyeuse qui soit et qu’elle n’attirait que les étudiants les moins brillants. Revenons donc à l’ennui et à un système bancaire au service de l’économie.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!