
La nécessité de bâtir des logements en ville dans une Suisse de 10 millions d’habitants, le respect du paysage et de l’environnement, l’approvisionnement énergétique dans une ère postnucléaire, la création d’un tissu social vivant: tels sont quelques-uns des défis majeurs auxquels sera confronté notre pays dans les prochains années.
Comment peut-on concilier tous ces éléments?
Si l’on exclut l’idée folle et électoraliste de définir un bouc émissaire responsable de tous ces problèmes, ces défis sont fort stimulants et constituent une opportunité importante de redéfinir le développement de notre pays. Développement qui se doit d’être durable, comme le prescrit la Constitution fédérale (art. 77).
Très médiatisé, parfois dévoyé, le développement durable est souvent perçu comme un concept magique éloigné de la réalité concrète. Il est considéré également comme une mode, un joli vêtement vert endossé pour se donner des airs écolo. Pourtant le développement durable devient de plus en plus une nécessité, une exigence mais également une opportunité.
Dans cette optique, le projet-modèle pour des quartiers durables proposé par l’Office fédéral du développement territorial (ARE) et l’Office fédérale de l’énergie (OFEN) constitue un exemple intéressant. La densification des zones urbaines fait partie de la stratégie du Conseil fédéral et du Projet de territoire Suisse pour le développement urbain. Les agglomérations des cinq principales villes suisses – Zurich, Bâle, Genève, Berne et Lausanne – regroupent le tiers des habitants. On ne pourra pas répondre aux nouvelles exigences en édifiant des villas individuelles en campagne, même si ces nouvelles maisons satisfont aux critères écologiques et énergétiques durables.
Il faut agir au niveau de la ville, surtout par l’assainissement d’anciennes zones industrielles et par le renouvellement et la revalorisation des quartiers existants. Ceci doit s’effectuer par une planification sérieuse, focalisée sur le long terme. Comme l’affirme Marina Lezzi, directrice de l’ARE, le quartier est«l’espace idéal pour la mise en œuvre du développement durable. C’est à cette échelle que le développement urbain doit se concentrer pour éviter le mitage du territoire, tout en faisant face à l’accroissement de la population et de la migration et en créant de bonnes conditions de vie, sociales et environnementales.» Il faut adopter une approche innovante pour le développement durable des quartiers «Il s’agit non seulement de prendre en considération les aspects architecturaux et énergétiques, mais aussi de veiller à une bonne harmonie entre les aspects sociétaux, l’intégration, la sécurité, ainsi que mobilité, l’environnement et la forme urbaine».
La question de l’environnement et de l’approvisionnement énergétique sera fondamentale. En se focalisant sur des matériaux et des sources d’énergie renouvelables, sur des technologies performantes et sur le renforcement de la mobilité publique, l’impact environnementale doit être minimisé et l’autonomie énergétique concrétisée. Le maintien des zones vertes est aussi un élément important. Néanmoins il ne doit pas se limiter à la plantation d’arbres anonymes. Des zones d’agriculture urbaines et des aires de détente doivent être intégrées dans ce genre de projets.
Il ne suffirait pas cependant de créer un quartier respectueux de l’environnement mais dépourvu de toute cohésion sociale. Un des buts principaux des quartiers durables doit être la qualité de vie des habitants. Des structures répondant aux différents besoins doivent donc être intégrées dans le quartier (crèches, bibliothèques, bar, magasins, lieu de rencontre et de convivialité, etc.). Les nouvelles zones urbaines doivent également être ouvertes à toutes les couches de la population. Un quartier mixte, d’un point de vue socio-économique, ethnique et générationnel, ne peut que représenter un progrès dans un pays où on est souvent habitué à une division spatiale de la structure sociale. A Lausanne par exemple, le projet Métamorphose prévoit le partage des nouveaux espaces d’habitation entre location conventionnelle, logement subventionnés, PPE et coopératives d’habitants.
Les Plaines-du-Loup à Lausanne, Dreispitz à Bâle ainsi que d’autres projets à Genève, Neuchâtel et Zurich: cette nouvelle conception de percevoir la ville et le développement commence à se concrétiser. Mode où nécessité, on est loin de pouvoir juger l’efficacité de ces projets. Les risques sont ceux de créer des quartiers nouveaux mais asepetisés et détachés du reste de la ville dont la mixité sociale est mise en question par une hausse des prix des logements.
Les quartiers durables sont néanmoins une solution possible pour concilier les défis évoqués ci-dessus. A condition de bénéficier d’un fort soutien politique et financier.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!