Le 12 mars, un réacteur explose à la centrale de Fukushima. Le 26 mai, le Conseil fédéral annonce son intention de sortir du nucléaire. C’est un geste politique exceptionnellement fort, et pour tout dire inattendu.
Au lendemain de la catastrophe japonaise, un sondage d’opinion montrait que 87 % des Suisses étaient favorables à la sortie du nucléaire. On savait donc qu’il n’y aurait pas de nouvelle centrale. Une telle construction n’aurait eu aucune chance en votation populaire. On s’attendait à ce que le gouvernement, prudent et réaliste, se prononce pour un moratoire comme celui adopté par le peuple après Tchernobyl. En effet, la conseillère fédérale Doris Leuthard, en charge du dossier, affirmait qu’il serait léger et dommageable de renoncer au nucléaire (DP 1905).
Et pourtant, deux mois plus tard, le Conseil fédéral parle sans ambiguïté. Au lieu de «pas de nouvelle centrale», il dit «plus jamais de nouvelle centrale». Doris Leuthard a fait basculer la majorité gouvernementale. Elle assume courageusement le fait d’avoir changé d‘opinion, convaincue par les arguments des spécialistes de son département et ceux des responsables politiques de son parti.
Les observateurs du Palais fédéral s’attendent à un soutien majoritaire du Parlement lors du débat nucléaire à la session qui s’ouvre. Mais ce ne sera qu’un tour de chauffe. Les députés se prononceront sur une série d’interventions parlementaires et non sur la proposition du Conseil fédéral d’abandon du nucléaire. Les votes de ce mois de juin ne seront que des indicateurs politiques. Il faudra attendre au moins jusqu’à cet automne pour que le projet gouvernemental se traduise en textes législatifs soumis aux Chambres fédérales. Les vraies décisions seront donc prises par le Parlement issu des élections fédérales du 23 octobre.
Pour compenser l’abandon du nucléaire, qui assure 40% de notre production d’électricité, le gouvernement propose un programme alternatif. L’administration y a travaillé depuis longtemps et pourrait donc rédiger rapidement un paquet législatif complet.
En 1993, le Parlement a rapidement adopté Swisslex, un ensemble de lois pour combattre les conséquences négatives du rejet, en 1992, de l’Espace économique européen. Souhaitons qu’il manifeste le même empressement à adopter une Fukushimalex pour la sortie du nucléaire.
Mais c’est là que les majorités risquent de chanceler, le paquet de s’effriter et perdre de sa vigueur. Or le temps presse. Dans moins de dix ans, les plus anciennes centrales nucléaires seront en bout de course. Si l’efficacité énergétique et les nouvelles ressources ne se développent que mollement, le nucléaire resurgira certainement. La choc de Fukushima sera oublié, tout comme l’a été celui de Tchernobyl. Les partisans du nucléaire le savent bien. Ils useront de toutes leurs forces pour décrier et affaiblir le programme gouvernemental. Le combat décisif aura donc lieu cette année encore.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!